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La Chine s’engage à la neutralité carbone d’ici 2060

par Elisabeth Martens, le 24 septembre 2020

L’annonce surprise a été faite par le président chinois Xi Jinping dans un discours à l’Assemblée générale de l’ONU, qui se tient de façon virtuelle cette année. Son pays s’engage à la neutralité carbone d'ici 2060.

 

Objectif

 Nous avons comme objectif de commencer à faire baisser les émissions de CO2 avant 2030, et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060 », a déclaré le président Xi.

Pour la première fois, la Chine s’est fixé ce mardi, le 22/9/2020, un objectif de neutralité carbone (un état d’équilibre à atteindre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme ou de son fait), à l’horizon 2060. M. Xi a décrit les étapes à suivre lors de la visioconférence. Cette décision renforce l’accord de Paris sur le climat et accentue le contraste avec l’attitude de retrait climatique des États-Unis sous Donald Trump.

La Chine était déjà largement sur la bonne trajectoire pour faire plafonner ses émissions avant 2030 (le « pic », dans le jargon climatique). Quant à l’objectif de 2060, il est moins ambitieux que la date de 2050 qui a été adoptée par des dizaines de petits pays et quelques grands, dont ceux de l’Union européenne, mais il a été salué par plusieurs experts comme un pas majeur pour redonner de la vie à l’accord de Paris.

« Pékin va accroître ses engagements climatiques dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat », a-t-il déclaré Xi Jinping. Ces engagements sont librement fixés par chaque pays signataire mais ils les engagent, et ils sont censés être régulièrement revus à la hausse. Le prochain cycle de relèvements est jugé crucial pour infléchir réellement la courbe mondiale des émissions de carbone et limiter le réchauffement de la planète.

« Le diable est dans les détails et la Chine devra fixer des objectifs spécifiques à court terme, ainsi qu’une date de pic plus rapprochée, mais la voie prise par la Chine pour un avenir à zéro carbone se précise », a salué Helen Mountford, vice-présidente du World Resources Institute.

Atteindre la neutralité carbone exige de compenser les dernières émissions qui ne peuvent être évitées par des techniques de capture et de stockage qui le retirent de l'atmosphère. Cette nouvelle technologie de capture du CO2 est déjà connue et pratiquée en Chine, principalement aux abords des centrales au charbon, plus polluantes que les autres.

Le président chinois Xi Jinping s'adressant à l'ONU par liaison vidéo (Crédit photo, EPA)
Le président chinois Xi Jinping s'adressant à l'ONU par liaison vidéo (Crédit photo, EPA)

Une annonce « très importante »

Les négociations mondiales sur le climat étant dans l'impasse en raison de la crise sanitaire, et la conférence des parties de cette année (COP26) reportée à 2021, on ne s'attendait guère à ce que l'Assemblée générale des Nations unies progresse sur cette question. Cependant, le président chinois a surpris l'assemblée des Nations unies en faisant une déclaration audacieuse sur les plans de son pays pour lutter contre les émissions.

Cette annonce est considérée comme une étape importante dans la lutte contre le changement climatique.

La Chine est la plus grande source de dioxyde de carbone au monde, responsable d'environ 28 % des émissions mondiales. Les émissions de gaz à effet de serre - GES, responsables du réchauffement climatique - chinoises ont augmenté de près de 55% en dix ans. Selon le Global Carbon Atlas, qui dresse un bilan des émissions de CO2 par État, la Chine a émis environ 10 milliards de tonnes de dioxyde de carbone en 2018, presque deux fois plus que les États-Unis (5,4 milliards de tonnes). Le charbon occupe une part écrasante dans ses émissions. Toutefois, si on rapporte à la pollution par habitant, la Chine, avec ses quelque 1,4 milliard d'habitants, arrive en 39e position, et les États-Unis 12e, toujours selon les données de 2018.

Les émissions de la Chine ont continué à augmenter en 2018 et 2019, alors même qu'une grande partie du monde commençait à se détourner des combustibles fossiles. Alors que la crise du Covid-19 a fait chuter les émissions du pays de 25 % au printemps dernier, elles ont rebondi en juin 2020 avec le retour au travail des centrales au charbon, des cimenteries et d'autres industries lourdes.

 

Chine / E-U

En 2014, M. Xi et le président américain Barack Obama ont conclu un accord surprise sur le changement climatique, qui est devenu un élément clé de l'accord de Paris signé en décembre 2015.

Pékin, qui a ratifié l'accord mondial conclu à l'issue de la COP21, va accroître ses engagements climatiques dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat. « L'humanité ne peut plus se permettre d'ignorer les avertissements répétés de la nature et d'emprunter les sentiers battus de l'extraction des ressources sans investir dans la conservation, de la poursuite du développement aux dépens de protection et de l'exploitation des ressources sans restauration», a encore dit le président chinois. Il a appelé tous les pays à parvenir à une reprise verte de l'économie mondiale à la suite de la pandémie de coronavirus.

« Tous les pays doivent prendre des mesures décisives pour honorer cet accord », a ainsi déclaré le président Xi. Cette remarque est sans doute adressée aux États-Unis, deuxième émetteur de la planète, qui doivent se retirer formellement de l'accord de Paris en novembre. Pour Li Shuo, expert en diplomatie climatique à Greenpeace Asie, l'annonce du président chinois, survenue quelques minutes après le discours du président américain Donald Trump, était « clairement une décision audacieuse et bien calculée ».

Les observateurs estiment qu'en faisant cette déclaration à ce moment, le leader chinois profite de la réticence des États-Unis à aborder la question du climat. En jouant la carte du climat un peu différemment, Xi a non seulement donné un élan bien nécessaire à la politique climatique mondiale, mais il a également épinglé une Chine qui progresse indépendamment des États-Unis. Washington suivra-t-il ?

 

Réaction du Giec

Jean-Pascal van Ypersele, climatologue belge et ancien vice-président du GIEC (Groupê d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), le groupe d’experts climat de l’ONU, affirme que l’annonce est « très importante », mais il prévient que la Chine devra être « cohérente » et arrêter de financer des centrales au charbon ou d’autres infrastructures aux énergies fossiles en Afrique. On peut ajouter à cela une crainte quant à la mise en place d'un gigantesque réseau 5G que la Chine prévoit dans les prochaines années.

Réduire à zéro les rejets nets de carbone dans l'atmosphère d'ici le milieu du siècle est toutefois indispensable pour limiter à 1,5°C le réchauffement de la planète, par rapport à l'ère préindustrielle, selon les experts du climat pour l'ONU (le GIEC). Certes, l'objectif de 2060 fixé par la Chine est moins ambitieux que celui de l'Europe, qui vise 2050. Mais «c'est sans doute la date réaliste la plus proche pour la Chine », estime Neil Hirst, chercheur à l'Imperial College London, cité par l'AFP. «C'est un grand défi qui impliquera l'arrêt ou la rénovation d'un grand nombre de centrales à énergies fossiles relativement modernes», pointe-t-il. Li Yan, de Greenpeace Chine estime de son côté qu'il s'agit «d'un signal très positif au cours d'une année difficile pour l'environnement et la coopération mondiale.»

Jean Jazoul, climatologue et glaciologue français et également ancien vice-président du GIEC confirme les propos de van Ypersele: "Je pense que l’annonce de la Chine est très importante, elle est ambitieuse. Si l’on veut ne pas dépasser les +2°C en 2100, il faut atteindre la neutralité carbone autour de 2070-80. Si l’on veut rester en dessous de +1,5°C, l’horizon est 2050. Si tous les pays de la planète prenaient ces engagements, nous pourrions envisager de respecter l’Accord de Paris (COP21 en 2015). L’annonce de la Chine est une vraie bonne nouvelle." Selon lui, celui qui aura le leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique, aura également le leadership économique. Entre l’Europe, la Chine et les Etats-Unis, c'est la Chine qui, techniquement, peut réussir à atteindre cet objectif affirme l'expert français, et la Chine deviendra ainsi un moteur incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique. 

L’Europe a certes un plan pour atteindre la neutralité carbone en 2050, mais selon Jazoul, "le problème avec la France et l’Europe, c’est qu’elles ont la mauvaise habitude de ne pas respecter les objectifs qu’elles se sont fixé. En Chine, la population est aux premières loges. Les messages des scientifiques sont très clairs et ils sont entendus par les autorités. Aux Etats-Unis, les messages des scientifiques sont également très clairs mais ils ne sont pas écoutés à la Maison Blanche. Toutefois, je pense que si Donald Trump est réélu, il ne pourra pas faire autrement que de prendre des décisions comme celles des Chinois, car c’est aussi une question de suprématie économique."

Reste désormais à savoir quelles politiques Pékin engagera pour respecter son objectif, la Chine étant déjà le premier marché mondial dans le secteur des énergies renouvelables.

 

Sources:

https://www.lunion.fr/id192576/article/2020-09-23/pour-la-premiere-fois-la-chine-sengage-la-neutralite-carbone-dici-2060?

https://www.bbc.com/afrique/monde-54268050

https://www.lefigaro.fr/sciences/la-chine-se-fixe-un-objectif-de-neutralite-carbone-d-ici-a-2060-20200923

https://www.usinenouvelle.com/article/si-la-chine-atteint-la-neutralite-carbone-en-2060-elle-gagnera-le-leadership-economique-selon-le-climatologue-jean-jouzel.N1008909