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Course mondiale pour l’énergie du futur : la Chine prend une avance décisive

par David Gelles (New York), Somini Sengupta (Brasília et Tirunelveli), Keith Bradsher (Pékin) et Brad Plumer (Washington) pour The New York Times, le 29 juin 2025

Alors que la planète fait face à l’urgence climatique, deux superpuissances mondiales — les États-Unis et la Chine — poursuivent des stratégies énergétiques radicalement opposées : pendant que Pékin vend de l'énergie propre au monde entier, Washington promeut le pétrole et le gaz. Mais ces deux super-puissances sont surtout motivées par des considérations économiques et géopolitiques.

D’un côté, la Chine s’impose comme le leader mondial des technologies d’énergie propre. En 2024, elle a installé plus d’éoliennes et de panneaux solaires que le reste du monde réuni. Pékin investit massivement dans les batteries, les véhicules électriques, le solaire et l’éolien, non seulement sur son territoire mais aussi à l’international, avec des usines en construction au Brésil, en Hongrie, en Thaïlande ou encore au Maroc.

De l’autre, les États-Unis, sous l’administration Trump, consolident leur position de géant des énergies fossiles. Washington fait pression sur ses alliés asiatiques, notamment le Japon et la Corée du Sud, pour qu’ils investissent des sommes colossales dans l’importation de gaz naturel américain. General Motors, quant à lui, a récemment annulé un projet de moteurs électriques pour privilégier la production de moteurs V8 thermiques dans l'État de New York.

 

Deux visions, un affrontement stratégique

La Chine parie sur un avenir électrique, alimenté par des technologies renouvelables qu’elle domine : elle détient plus de la moitié des brevets mondiaux dans le secteur des énergies propres, et ses exportations explosent. En 2023, elle a exporté pour 65 milliards de dollars de batteries lithium-ion (contre 3 milliards pour les États-Unis), 40 milliards de panneaux solaires (contre 69 millions pour les États-Unis) et 38 milliards de véhicules électriques (contre 12 milliards pour les Américains).

Pendant ce temps, les États-Unis restent le premier producteur mondial de pétrole et le plus grand exportateur de gaz naturel, misant sur une "domination énergétique" censée garantir leur sécurité nationale. Le gouvernement Trump a relancé les forages sur terres fédérales, accéléré l’octroi de permis pour les oléoducs et encouragé ses alliés à acheter du gaz et du pétrole américain.

 

Un contraste technologique et politique

La Chine continue de brûler beaucoup de charbon — elle est responsable de plus d’émissions que les États-Unis et l’Europe réunis — mais elle avance rapidement vers un mix énergétique renouvelable. Son industrie nucléaire est en pleine expansion avec 31 réacteurs en construction, et des avancées annoncées en fusion nucléaire.

Signe de sa stratégie industrielle coordonnée, la Chine a restreint les exportations de certains aimants en terres rares, cruciaux pour les énergies renouvelables, sauf s’ils sont intégrés dans des produits finis. Une façon de renforcer sa position dominante et de rendre ses partenaires dépendants.

 

Des investissements stratégiques massifs

Depuis 2023, la Chine a annoncé pour 168 milliards de dollars d’investissements à l’étranger dans les énergies propres, notamment en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. En Arabie saoudite, elle construit une gigantesque unité de stockage d’énergie à batteries. En Hongrie, au Brésil ou encore en Indonésie, elle érige des usines de batteries, de véhicules électriques et de panneaux solaires.

Ces projets ne sont pas seulement économiques : ils permettent à Pékin de renforcer ses alliances diplomatiques, d’étendre son influence politique et de nouer des relations de long terme avec des pays émergents.

À l’inverse, les États-Unis adoptent une approche plus transactionnelle. L’aide au développement est en recul, remplacée par des ventes d’armes ou de gaz naturel. L’administration Trump semble moins préoccupée par le climat que par la défense des intérêts de l’industrie fossile, largement représentée dans son entourage.

 

Une transition mondiale inévitable ?

Selon l’Agence internationale de l’énergie, les énergies solaire et éolienne devraient devenir les principales sources d’électricité dans le monde d’ici 2035. Le recours aux énergies fossiles, qui représente encore 80 % de la consommation mondiale, devrait passer sous la barre des 60 % à l’horizon 2050.

Dans ce contexte, la stratégie chinoise pourrait s’avérer gagnante. L’avance technologique et industrielle de Pékin, acquise grâce à des investissements précoces et coordonnés, pourrait lui permettre de dominer l’économie bas carbone du futur.

« Les États-Unis promeuvent une économie basée sur les énergies fossiles, la Chine s’impose comme le chef de file de l’économie décarbonée », résume Li Shuo, directeur du China Climate Hub de l’Asia Society. « La vraie question pour les Américains, c’est : que faire maintenant ? »

 

Un leadership perdu ?

Il fut un temps où les États-Unis étaient à la pointe de l’innovation verte. Le premier panneau solaire efficace y a été développé dans les années 1950, tout comme la première batterie lithium rechargeable. Mais le soutien public a fluctué, et les initiatives comme celles de l’administration Obama (notamment le prêt à Tesla) ont été assombries par des échecs emblématiques comme celui de Solyndra.

Pendant ce temps, la Chine misait sur le long terme. Dès 2003, le Premier ministre Wen Jiabao — géologue de formation — fit de l’indépendance énergétique une priorité stratégique. Résultat : la Chine contrôle aujourd’hui l’essentiel de la chaîne de valeur des technologies propres, du raffinage du cobalt à la production de polysilicium.

 

Une influence durable

Là où les États-Unis voient dans l’énergie une marchandise, la Chine en fait un levier diplomatique. Son influence grandissante dans les pays du Sud global — du Pakistan au Congo, de l’Arabie saoudite au Kenya — est le fruit d’une politique énergétique cohérente, orientée vers le long terme.

« La domination des marchés peut devenir une forme de soft power », observe Jennifer Turner, du Woodrow Wilson Center.

 

Vers quel avenir énergétique ?

Le monde est de plus en plus avide d’énergie. Le duel sino-américain pourrait donc coexister encore quelques années : les États-Unis vendant du pétrole et du gaz, la Chine des panneaux solaires et des batteries.

Mais à mesure que les pays se tournent vers des sources plus propres et moins coûteuses, la balance pourrait pencher en faveur de Pékin.

« Quand les États-Unis quittent la course, la course continue », résume Rafael Dubeux, responsable au ministère brésilien des Finances. « Et les autres pays avancent. »

 

URL de l'article en anglais traduit par Chatgpt.com:  https://www.nytimes.com/interactive/2025/06/30/climate/china-clean-energy-power.html