L’Union européenne va-t-elle s'impliquer dans la BRI ?
par Elisabeth Martens, le 9 décembre 2025
L’Europe avait préconisé le découplage avec la Chine, mais face au mépris de Trump, plusieurs pays européens s’attachent désormais à nouer des relations avec Pékin. Début décembre 2025, Macron accompagné des PDG d’une trentaine d’entreprises se sont déjà rendus dans l'ouest de la Chine. Dans leur sillage, ce sera le tour de l'Allemagne avec M. Merz, fin janvier 2026, puis du Royaume-Uni avec M. Starmer, fin février prochain.

Suite à Macron, d'autres dirigeants européens programment une visite dans le Sichuan. En effet, dans le 15ᵉ plan quinquennal chinois, l’investissement d’État dans cette région sera prioritaire. Les dirigeants européens y préparent le terrain pour leurs propres entreprises.
Plusieurs raisons expliquent la motivation de ces dirigeants européens d’aller dans les lointaines provinces de l’ouest de la Chine. Le Plan du développement du Grand ouest, visant à réduire les écarts économiques entre l'est et l'ouest du pays, a été lancé fin des années 1990. Il a réellement pris son envol avec l'investiture de Xi Jinping et son projet de "Nouvelle route de la soie" (BRI, pour "Belt and Road Initiative"). Cela explique que le taux de croissance à Chongqing et à Chengdu est actuellement plus du double de celui de Shanghai.
Dans le 15ᵉ plan quinquennal, il est indiqué que l’État va encore accélérer le développement du Grand ouest. Plusieurs provinces et régions autonomes sont concernées: Shaanxi, Gansu, Qinghai, Sichuan, Yunnan, Guizhou, Chongqing, Xinjiang, Xizang (ou Tibet). Cette vaste région représente environ 71% de la superficie totale de la Chine et possède d'importantes ressources naturelles ainsi qu'une riche diversité ethnique. Elle abrite environ 27% de la population totale du pays, soit presque 400 millions de personnes. Ces chiffres reflètent une densité de population globalement plus faible dans cette région occidenatle caractérisée par de grandes zones montagneuses, désertiques ou de hauts plateaux.
La Chine a décidé d'y déplacer certaines de ces entreprises clefs, en particulier celles de l'IA et de la robotique. Le Grand ouest va devenir le nouveau terrain d’innovation de demain. Les data centers sont essentiellement basés au Guizhou, au Xizang et au Xinjiang où les énergies renouvelables - solaire, éolien et hydraulique - sont abondantes et bon marché. Le coût de l’énergie y est d'un tiers de celui de Shanghai et d’un cinquième de celui de l’Europe.
De plus, la région du Grand ouest a une position géopolitique cruciale puisqu'elle relie la Chine au reste du continent eurasiatique. Avec la BRI, la Chine transforme peu à peu la région en un centre de transport ferroviaire et routier reliant l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est :
- le train partant de Chongqing peut arriver directement à Duisbourg puis à Lyon ;
- des lignes ferroviaires en construction doivent relier Chongqing au port de Gwadar, au Pakistan, pour desservir le Moyen-Orient ;
- de Chongqing au port de Yangon, en Birmanie, des lignes de train sont prévues aussi pour accéder à l’océan Indien ;
- ainsi que de Chongqing à Singapour pour connecter l’Asie du Sud-Est.
La présence d'entreprises européennes dans cette région pourrait leur permettre de profiter des nombreuses innovations chinoises en IA et technologies du numérique.
Un train en direction de Budapest part de la municipalité de Chongqing (dans le sud-ouest de la Chine), il quitte la Chine via le col d'Alataw au nord-ouest du Xinjiang et traversera le Kazakhstan, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, avant d'arriver en Hongrie. Ce train connu sous le nom de « China Railway Express » marque le lancement d'un nouveau service de trains de marchandises à horaire fixe Chine-Europe. Il transporte des produits électroniques, des pièces d'automobile et de moto, et d'autres biens de consommation. Ce train à horaire fixe prend 11 jours pour atteindre Budapest qui est un important centre de distribution des marchandises vers l'Europe centrale et orientale.
Comparés aux trains de marchandises traditionnels, les trains à horaires fixes suivent les horaires et les itinéraires établis, c'est-à-dire qu'il part à l'heure fixée, peu importe qu'il soit plein, et il a priorité absolue sur les autres trains. Ce système améliore considérablement l'efficacité et la fiabilité des transports, ce qui est un facteur essentiel quand il s'agit de denrées périssables, e-commerce, conteneurs maritimes avec rendez-vous portuaire serré. Selon China Railway Chengdu Group Co., Ltd., le temps de trajet Chongqing-Budapest s'est réduit d'environ 30%.
Le 20 novembre 2025, le nombre de trains de marchandises Chine-Europe passant par le corridor central du service ferroviaire Chine-Europe dépassait les 3 500. C'est la première fois depuis que le port ferroviaire d'Erenhot dans la région autonome de Mongolie intérieure de la Chine-Intérieure a commencé à traiter des trains de marchandises Chine-Europe en 2013 que le débit a dépassé la barre des 3 500 en un an.
Au fil des ans, le nombre cumulé de trains de marchandises Chine-Europe a dépassé 120 000, formant un réseau de transport international qui relie 128 villes en Chine, 26 pays et 232 villes en Europe, ainsi que 11 pays et plus de 100 villes en Asie. Ce réseau a joué un rôle important dans le maintien de la stabilité des chaînes industrielles et d'approvisionnement internationales et dans la promotion du développement économique mondial.
La nouvelle Route de la Soie (BRI) comporte de nombreuses opportunités pour le développement régional et international. Les investissements massifs dans les infrastructures économiques sont susceptibles de dynamiser les économies régionales et les échanges internationaux. Ils pourraient également pallier le manque d’investissements productifs dont souffre l’économie mondiale. S’il se concrétise, le projet pourrait faire de l’économie eurasienne le premier marché économique mondial et supplanter l’actuel système financier centré sur le dollar. La perspective de gains mutuels pour les pays de la région est par ailleurs susceptible de contribuer à résoudre les conflits territoriaux qui perdurent depuis des décennies.
La nouvelle Route de la Soie va immanquablement avoir une influence majeure sur l’ordre international du 21ème siècle. À une époque où les États-Unis se retirent du système multilatéral qu’ils ont dirigé pendant des décennies, l’Union européenne devrait s’impliquer de manière plus proactive dans ce projet chinois. En effet, l’objectif stratégique de la Chine est de développer et d'intégrer les économies de ses voisins et de ses partenaires commerciaux afin d’enrayer la compétition militaire et de prévenir les conflits mondiaux, dans le cadre d’un nouveau système multilatéral centré sur l’Eurasie.
Sources :
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/routes-de-la-soie
https://www.cncd.be/La-nouvelle-Route-de-la-Soie-le
https://www.rtbf.be/article/macron-menace-la-chine-de-droits-de-douane-dans-les-tout-prochains-mois-11644030
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