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La Journée de l'arbre, inscrite dans la Constitution chinoise

par Elisabeth Martens, le 20 mars 2020

La « Journée de l’arbre » est fêtée aux États-Unis depuis 1872 . Au départ, elle célébrait l'arrivée du printemps et le renouveau de la nature. Au cours du 20ème siècle, cette journée festive est devenue populaire dans de nombreux pays, comme le « Journée de la femme », de « l'enfant » ou des « secrétaires ». C'est aussi l'occasion pour les pouvoirs publics de sensibiliser les populations en les invitant à planter un arbre afin de limiter les effets de la désertification. La Journée de l'arbre n'a pas manqué de toucher les Chinois, tant ils sont attachés au symbole de l'arbre. Ce jour-là, chaque enfant chinois reçoit un arbre à planter et c'est aussi le jour où l'on s'échange des "petits arbustes". De la délicatesse des estampes à la beauté des jardins, les arbres tiennent une place importante dans la tradition chinoise.

En 1979, le Comité permanent de l’APN1 a désigné le 12 mars comme "Journée nationale de la plantation d’arbres". Cette résolution inscrite dans la Constitution chinoise a été prise dans le cadre d'un vaste projet de protection des forêts et de promotion de l'économie verte. Depuis la fin des années 1970, le taux de couverture forestière du pays a augmenté de près de 10%. En 2018, la Chine a planté 7,07 millions d’hectares d’arbres, ce qui représente environ 66 milliards de plants. Le pays abrite la plus grande forêt artificielle au monde en termes de superficie. Fin 2019, elle couvrait sur une superficie de 84.000 km², à peu près la superficie de l’Irlande. L’objectif est d’augmenter la couverture forestière du pays de 21% d’ici fin 2020. Ce chiffre pourrait atteindre 26% d’ici à 2035.

Dans la Chine ancienne, le culte de l'arbre était largement répandu. Il est encore présent même dans une Chine polluée et déforestée, en témoigne l'engouement des Chinois pour les jardins et les parcs où sont représentés des centaines de variétés de plantes vivaces, aquatiques, grimpantes, d'arbustes et d'arbres. En Chine, on dit que l'âme des dieux réside dans des arbres remarquables par leur taille ou leur beauté. Certains d'entre eux bénéficient d'une garde personnelle, un fonctionnaire d'état leur est attribué.

Depuis les temps les plus reculés, le développement de l'être humain est comparé à celui de l'arbre. Les pieds dans la terre, il grandit vers le ciel ; de l'eau qui descend dans la terre, il s'élève vers la chaleur ; il s'alimente par le bas (terre et eau) et déploie ses potentiels d'échange avec autrui par sa large canopée, son esprit s'ouvrant au monde. Le posture de Qigong la plus connue s’appelle "embrasser l'arbre" et, dans les parcs des mégapoles chinoises, on voit parfois des personnes âgées ou malades enlacer un arbre ou se frotter la colonne vertébrale contre un vieux pin.

 

 

L'arbre est un symbole utilisé en médecine traditionnelle chinoise qui parle, par exemple, de l"agent "Bois" pour désigner le printemps, le début des choses, ce qui sort de terre, la mise en mouvement, l'enfance, la découverte, le début du yang, etc. En acupuncture, certains points sont nommés "troncs ", d'autres "racines " ou "brindilles". En astrologie chinoise, les "troncs célestes" et les "branches terrestres" désignent des divisions temporelles par décades (des semaines de 10 jours) ou par douzaines (les 12 mois de l'année).

Une symbolique particulière est attribuée à certaines espèces. Ainsi le pin, occupe une place de choix dans la peinture et la poésie traditionnelle. Toujours vert quelle que soit la saison, il représente l'immortalité. On dit de sa sève qu'elle se change en ambre quand le pin atteint l'âge de mille ans. Les villageois refusaient de couper ceux qui poussaient à proximité des temples et des tombes, car le pin éloigne le « Wangxiang », une créature maléfique qui dévore le cerveau des défunts.

Pin et brume dans les HuangShan, 2014
Pin et brume dans les HuangShan, 2014

Comme le pin, le pêcher est aussi un symbole de longévité, mais cette fois grâce à ses fruits délicieux qui promettent aux jeunes mariés une progéniture abondante. C'est pourquoi, tous les ans à l'époque de la floraison, les jeunes couples viennent se faire photographier dans les parcs des mégalopoles chinoises. Dans la tradition taoïste, le pêcher tient une place importante : une légende, peut-être destinée à stimuler l'assiduité à la pratique chez les jeunes disciples, racontait que le Pêcher des Dieux fleurit tous les 3000 ans, mais que son fruit assure la longévité.

Avec des dizaines de variétés, le bambou, répandu dans toute la Chine, est associé à la souplesse et l’invincibilité. Il plie sans jamais se rompre. Comme il pousse massivement et à une vitesse éclair, il est aussi devenu un symbole de fertilité, de famille heureuse et de piété filiale. On raconte qu'un fils, devant sa mère gravement malade et désireuse d'une soupe de pousses de bambous, brava l'hiver rigoureux à la recherche de jeunes plants, en vain. Pleurant à chaudes larmes, il réussit à attendrir le sol gelé. Pour récompenser ses efforts, les jeunes pousses grandirent si rapidement qu'il pût les cueillir le jour-même. En effet, en une journée une pousse de bambou peut atteindre quelques dizaines de centimètres.

Bien d'autres espèces d'arbres, mais aussi de plantes évoquent diverses caractéristiques : le prunier est associé à la noblesse, le lotus à la pureté, le magnolia à la richesse, la pivoine à la beauté féminine, tandis que le rosier sauvage, par nature tourmenté, il entraîne des dissensions au sein de la famille. Un saule planté à l'arrière d'une maison fragilise la famille et ferait craindre la luxure.

 

"Pinsons et Bambou" de l'empereur Huizong des Song (1101-1126)


1 Le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (全国人民代表大会常务委员会ou Quánguó Rénmín Dàibiǎo Dàhuì Chángwù Wěiyuánhuì) est un comité d’environ 150 membres de l'Assemblée populaire nationale (APN) qui se réunit entre les sessions plénières de l’APN. Il a l’autorité constitutionnelle de modifier la législation à l’intérieur des limites fixées par l’APN