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Les recharges de véhicules électriques, comment ça marche en Chine ?

par Elisabeth Martens, le 19 mai 2025

À Chongqing et à Chengdu, le parc automobile est principalement électrique. Or, pendant mon séjour là-bas en avril et mai 2025, je n'ai vu que très peu de zones de recharge. Je me suis donc demandé comment les propriétaires de ces voitures rechargeaient leur véhicule. La réponse est plurielle, comme c'est souvent le cas en Chine !

C'est à Chengdu que m'est tout à coup venue cette question existentielle : où sont les bornes de recharge pour cette flotte impressionnante de voitures électriques ?Nous étions arrêté à un feu rouge sur Tianfu Square avec, dans notre dos, Mao qui salue son peuple d'un geste altier, et de l'autre côté du trottoir, le graphisme futuriste du nouveau musée de Chengdu qui nous hypnotisait. Il était environ 17h, un énorme embouteillage s'est formé sous nos yeux. Mais ce furent surtout nos oreilles qui furent ébahies : il n'y avait pas un son qui sortait de ce nœud automobile, c'était un bouchon silencieux... et pour cause : entre 35 et 45% de véhicules sont électriques aujourd'hui à Chengdu, c'est le taux le plus élevé du pays après Shenzhen (50%) et Shanghai (40 à 45%). Comme beaucoup d'autres villes chinoises, Chengdu vise une part de 50% de véhicules verts (électriques/hybrides) d'ici 2025-2030. Il faut dire que les autorités de la ville y mettent le paquet : Chengdu encourage l'adoption des VE via des subventions, des exemptions de taxes et des avantages de circulation, comme des voies qui leur sont réservées. De plus, la ville disposait déjà en 2023 d'un réseau de recharge dense, avec plus de 100.000 bornes publiques.

 Square Tianfu à Chengdu @RS
Square Tianfu à Chengdu @RS
 Square Tianfu à Chengdu @RS
Square Tianfu à Chengdu @RS

La Chine combine infrastructure massive, innovation et politiques volontaristes pour faciliter l'adoption des véhicules électriques. Elles sont rechargées à travers un réseau étendu et diversifié d'infrastructures, soutenu par des technologies avancées et des politiques gouvernementales. On peut affirmer que la Chine a su construire un écosystème complet, où la recharge est à la fois rapide, intelligente et sans effort pour le conducteur.

Ci-dessous, les principales méthodes de recharge et leurs caractéristiques

 

Bornes publiques

Même si les zones publiques de recharge ne sont pas forcément visibles (elle peuvent se situer dans des parkings fermés), la Chine a le réseau de recharge électrique le plus dense au monde. Elle dispose de millions de bornes, dont des chargeurs rapides (CC) et des chargeurs lents (AC).

Les opérateurs principaux sont State Grid et Southern Power Grid qui sont des entreprises publiques. Il y a aussi des entreprises privées souvent liées à des constructeurs comme NIO ou Tesla qui proposent des opérateurs comme TELD, Star Charge, EV Power.

À Chongqing, le long du Yangzi, une zone de recharge pour les VE @RS
À Chongqing, le long du Yangzi, une zone de recharge pour les VE @RS

 

Recharge à domicile

La plupart des citadins chinois vivent dans des immeubles-tours qui sont des des quartiers surveillés, avec un gardien et une caméra à reconnaissance faciale pour l'ouverture de la porte. Ce genre de copropriétés (qui rassemblent des centaines de foyers) reçoivent des subventions de l’État pour installer des zones de recharge dans les parkings des immeubles.

Par ailleurs, il y aussi des bornes de recharge plus individualisées (des "Wallboxes") dans les parkings des résidences et maisons individuelles (beaucoup plus rare).

 

Stations d'échange de batteries (Battery Swap)

Ceci n'existe qu'en Chine: NIO et Geely proposent des stations où la batterie est remplacée en 5 minutes (plus de 2.200 stations NIO ont été installées en 2023). A noter que le même système est très répandu pour recharger les GSM. A tous les coins de rue, dans les resto, dans les postes et autres lieux publics, on voit ces petites cabines pour recharger les GSM.

 

À Chongqing, bornes de recharge pour GSM placées (ironiquement) dans une ancienne cabine de téléphone @RS
À Chongqing, bornes de recharge pour GSM placées (ironiquement) dans une ancienne cabine de téléphone @RS

Pour les voitures, c'est plus récent, mais très prometteur. Le « battery swap » est une solution unique développée massivement en Chine pour contourner le temps de recharge des véhicules électriques. Au lieu d’attendre 20 à 40 minutes sur un super-chargeur, le conducteur remplace sa batterie vide par une pleine en quelques minutes, comme dans une pompe à essence.

Le véhicule entre dans une station automatisée, (comme un carwash), Un robot retire la batterie usagée par le dessous du véhicule, une batterie chargée à 100% est installée automatiquement, le conducteur repart en moins de 5 minutes (au lieu de plus de 30 minutes en recharge rapide).

Cette méthode présente des avantages évidents: l'expérience est proche de la pompe à essence, il n'y a pas de temps d'attente, il y a moins de pression sur le réseau électrique car les batteries se rechargent lentement, cela allonge la durée de vie des batteries. C'est une solution idéale pour les les taxis, camionnettes de livraisons et véhicules commerciaux.

Par contre le coût d'installation est nettement plus élevé que pour les bornes de recharge car la technologie est robotisée et la standardisation est difficile car chaque marque de véhicule a son propre format de batterie. Aussi certaines marques (comme Tesla) ont abandonné l'idée. NIO compte installer 4000 stations en 2025, quant à Geely et SAIC, ils comptent investir massivement dans cette technologie pour leurs flottes professionnelles (taxis et camions).

La Chine voit l'utilisation de la « battery swap » comme une alternative crédible à la recharge, surtout pour les professionnels et les conducteurs pressés. Bien que coûteux, ce système pourrait se généraliser si d’autres constructeurs adoptent le standard. Par conséquent, le gouvernement chinois encourage cette technologie en octroyant des subventions.

En Chine, un conducteur NIO a fait 1 000 km en 10h grâce au swap, sans jamais attendre une recharge !

DCJ and Yadea will deploy the first battery swapping stations powered by the Gogoro Network in the city of Hangzhou.© Gogoro Inc.
DCJ and Yadea will deploy the first battery swapping stations powered by the Gogoro Network in the city of Hangzhou.© Gogoro Inc.

Recharge intelligente et intégration au réseau

Les bornes de recharge sont souvent connectées à un réseau intelligent qui ajuste la puissance en fonction de la demande globale. Par exemple, pendant les heures creuses (la nuit), le coût de l'électricité est moins élevé, et le système encourage les utilisateurs à recharger à ce moment-là. Dans les immeubles ou les zones à forte concentration de véhicules électriques, le système peut limiter temporairement la puissance pour ne pas saturer le réseau et éviter les surcharges. C'est ce qu'on appelle la « Smart Grid », ou réseau électrique intelligent qui vise une optimisation des plages horaires pour réduire la pression sur le réseau.

Certains véhicules (comme ceux de NIO ou BYD) peuvent renvoyer de l'électricité vers le réseau en cas de besoin, par exemple lors de pics de consommation. Une voiture branchée pendant la journée pourrait servir de batterie de secours pour alimenter un bâtiment, puis se recharger la nuit à moindre coût. Cela stabilise le réseau et permet aux utilisateurs de vendre leur électricité, ce qui est un modèle économique innovant. Ce Vehicule-to-Grid (ou V2G) est encore en phase d'expérimentation , mais le gouvernement chinois prévoit un grand rôle pour le V2G d’ici 2030.

 

Standardisation et innovation

La Chine utilise ses propres connecteurs GB/T pour la recharge AC et DC, cela signifie que tous les véhicules électriques vendus en Chine doivent avoir le même type de prises, compatibles avec les chargeurs publics. Cela simplifie l'accès aux bornes publiques par rapport à l'Europe ou au Japon où à l’Europe (CCS) ou au Japon (CHAdeMO), la standardisation n’est pas obligatoire, ou comme Tesla qui a dû adapter ses super-chargeurs en Chine.

Il faut également compter avec des innovations technologiques: des marques comme Xpeng, BYD ou NIO déploient des chargeurs à haute tension (800V) permettant une recharge de 5 à 80% en 15-30 minutes. La Xpeng G9 peut récupérer 200 km d’autonomie en 5 minutes, alors que NIO propose des stations de 3ème génération avec une puissance de 500 kW.

 

Applications et paiement

Wechat ou Alipay permettent la géolocalisation d'une borne disponible en temps réel, de voir le type de connecteur et la vitesse de recharge, puis sa réservation et le paiement automatique depuis des applications comme TELD ou NIO.

Certaines voitures (comme les Tesla en Chine) permettent même de payer automatiquement dès que la recharge commence et pas besoin de carte ou de compte spécifique : un scan du QR code sur la borne suffit. NIO propose des packs de recharge illimitée pour environ 1 000 RMB/mois (environ 130 €).

 

Sources :

https://www.leblogauto.com/ecologie/electrique/recharge-bidirectionnelle-v2g-le-secteur-automobile-espere-une-part-du-gateau/

https://futuretransport-news.com/gogoro-network-battery-swapping-heads-to-china/

https://www.leblogauto.com/ecologie/electrique/incroyable-les-ve-chinois-consomment-autant-que-la-suede-dans-son-ensemble-en-2024/