Pourquoi il est nécessaire que la Chine garde sa relance économique verte et durable

par Deborah Lehr, directrice générale et vice-présidente du « Paulson Institute », le 3 juillet 2020

traduit de l'anglais par Elisabeth Martens

Il n'est pas facile de faire progresser la croissance économique tout en protégeant l'environnement. Toutefois, si la Chine se met à hésiter dans ses objectifs climatiques, les coûts à long terme pour elle – et pour le monde entier - seraient écrasants.

 

Fumée et vapeur s'élèvent d'une usine de traitement du charbon à Hejin, dans la province du Shanxi (novembre 2020, Photo: AP)
Fumée et vapeur s'élèvent d'une usine de traitement du charbon à Hejin, dans la province du Shanxi (novembre 2020, Photo: AP)


Le programme d’aide économique de la Chine pour le post-Covid-19 fait de la création d’emplois et du développement technologique des priorités absolues. La pièce maîtresse de l'effort est l'initiative « 2 New + 1 Key » qui promeut l'investissement dans des infrastructures numériques et urbaines, ainsi que dans la mise en œuvre de 165 grands projets au niveau national.

Cependant, contrairement à l'année dernière où la protection de l'environnement était considérée comme une priorité absolue, cette année, la Chine a fait un pas en arrière. C'est un plan de relance économique plus traditionnel, impliquant au moins 2 000 milliards de dollars, qui mènera la reprise.

Il est certes difficile de trouver un équilibre entre les préoccupations environnementales et la croissance économique, mais c'est possible – et c'est essentiel. La Chine l'a appris à ses dépens en 2008 lorsque son plan de relance a conduit à un développement rapide et massif d'infrastructures, mais avec une attention relâchée quant aux coûts environnementaux. Les citoyens chinois ont payé le prix fort avec une pollution atmosphérique accrue, de l'eau devenue non potable et des sols empoisonnés.

Actuellement, après la crise du Covid-19, la Chine a la possibilité de tirer des leçons de ce passé récent. Même si c'est dans des circonstances sanitaires regrettables, elle peut s'engager à investir dans des infrastructures qui favorisent aussi un environnement propre. La Chine est capable d'une reprise verte.

La première des deux nouvelles initiatives (les « 2 New ») est un effort du président Xi Jinping pour construire une infrastructure d'avenir qui compte sur l'installation extensive du réseau 5G. La Chine entend ainsi créer un réseau de haute technologie pour une utilisation généralisée d'Internet. Le réseau 5G est l'épine dorsale de ce projet de grande envergure. Il accueillera et soutiendra l'utilisation de technologies émergentes, comme celle de l'intelligence artificielle, de l'utilisation des mégadonnées, du « cloud computing » et de bien d'autres encore.

À son tour, le réseau 5G soutiendra le développement d'un écosystème de nouveaux produits et de nouveaux services basés sur ces vitesses de calcul rapides qui, si elles sont contrôlées, pourront accréditer des objectifs verts à long terme.

Si on prend l'exemple de l'isolation des bâtiments qui est l'une des plus grandes sources d'émissions de gaz à effet de serre en Chine : grâce à des données précises délivrées par le réseau 5G, les propriétaires peuvent à tous moments régler leur chauffage et leur climatisation par téléphone portable, réduisant ainsi leur demande en électricité. Les mégadonnées délivrées par la 5G peuvent être aussi utilisées pour mesurer la durabilité des projets d'infrastructure en fournissant des informations plus précises et plus rapides aux investisseurs potentiels qui les financeront.

Dans la seconde nouvelle initiative, la Chine prévoit de mettre davantage l'accent sur la durabilité urbaine des villes de deuxième et troisième rang. Cet effort implique la création de nouvelles constructions ainsi que la rénovation de structures plus anciennes. En tant que leader de la construction de bâtiments écologiques, Pékin devrait appliquer strictement les exigences environnementales les plus sévères et veiller à ce que ce développement réponde aux normes et aux pratiques environnementales internationales les plus à la pointe. Comme la durée de vie moyenne d'un immeuble chinois est de 25 à 30 ans, cela devrait être payant de bien faire les choses dès le départ.

Enfin, le troisième élément de cette initiative (« 1 key ») est un focus renouvelé sur les 165 principaux projets d’infrastructure du pays, ceci dans l'idée de réinjecter de l'argent dans l'économie.

La Chine a des options limitées pour stimuler la croissance en dehors de la voie traditionnelle de l'investissement dans les infrastructures ; de plus, la demande de l'exportation a baissé et celle des consommateurs au niveau national également, tout cela explique que la Chine est à présent perplexe devant la problématique environnementale.

Déjà avant le début de la crise Covid-19, les émissions de gaz à effet de serre étaient en augmentation : environ de 2% l’année dernière avec le ralentissement de l'économie et avec des gouvernements locaux qui devenaient moins stricts sur les normes de pollution aux entreprises. La capacité de production d'électricité au charbon avait également augmenté de 4% au cours de la même période, inversant la tendance depuis la forte amélioration de 2015.

La Chine est devenue rapidement un premiers émetteurs mondiaux d'obligations vertes, elle a créé plus de 600 fonds verts de capital-investissement ; elle a montré ainsi qu'elle dispose de montants importants de financement. Le défi est de trouver des projets écologiquement rationnels dans lesquels investir.

Étant donné que les institutions financières financent ces grands projets, elles devraient suivre des principes de prêts verts comme ceux décrits dans les principes d'investissement vert qui sont destinés aux investissements dans les pays situés le long de la « China’s Belt and Road", mais ils seraient tout aussi efficaces au niveau national.

De plus, des grands projets dans les provinces font partie des efforts du gouvernement central pour revitaliser les économies. Dans l’exécution de ces projets d’infrastructure, Pékin devrait appliquer strictement les lignes directrices qu'il a élaborées contre la pollution et faire pression pour le respect des pratiques de construction écologique afin d'encourager la durabilité. Les décisions prises aujourd'hui auront un impact significatif sur demain.

Il y a quelques lueurs d'espoir pour que la Chine continue de se concentrer sur la réduction des émissions et la protection de l'environnement. Un catalogue publié par la Banque populaire de Chine a déclaré que les usines fonctionnant à l’énergie propre au charbon ne seraient plus éligibles aux obligations vertes, alignant la Chine aux standards internationaux. En marge du récent Congrès national, le ministre chinois de l’écologie et de l’environnement s’est également engagé à ce que la Chine ne relâche pas sa protection écologique et environnementale.

Faire progresser la croissance économique tout en protégeant l'environnement n'est pas une mince affaire, ceci au sein d'une crise économique et sanitaire mondiale sans précédent. Mais si le pays hésite dans ses objectifs climatiques, les coûts à long terme pour la Chine et pour le reste du monde seraient écrasants. Alors que la Chine continue de construire son programme de relance économique, elle devrait tout mettre en œuvre pour qu'il soit vert.

 

Source : https://www.youtube.com/watch?v=yKr_vv9xYvI&list=PLSY9Qw_I73hliVbtZwafWY90i7y7WKUEr&index=6