Des algues dévoreuses de CO2

extrait du documentaire "Chine, la révolution verte", le 1 décembre 2015

Actuellement, la Chine produit un quart des émissions de gaz à effet de serre liées au changement climatique, ce qui augmente la température globale de la terre. La combustion du charbon est la première source de ces émissions, or le charbon représente 70% de l'énergie de la Chine. Les mines de charbon sont la colonne vertébrale de l'économie de la Chine et son casse-tête environnemental.

 

dans une mine à charbon à Datong, 2015
dans une mine à charbon à Datong, 2015

 

En Chine, le principal obstacle écologique est un ennemi coriace, c'est le charbon. Son industrie est la plus grande et la plus polluante du monde. Chaque année, la Chine brûle plus de trois milliards de tonnes de charbon, ce qui est plus de la moitié de la consommation mondiale et le triple de la capacité de production des États-Unis. La Chine construit une nouvelle usine de charbon chaque semaine, ce qui semble une mauvaise nouvelle, mais l'aspect positif c'est qu'elles sont équipées de technologies ultra sophistiquées et sont bien plus performantes que les anciennes qui, au fur et à mesure sont détruites. C'est la "campagne d'élimination des cheminées". Malheureusement, cela n'arrête pas suffisamment les émissions de carbone, la combustion du charbon continue à asphyxier les mégapoles chinoises.

L'idée est venue à un ingénieur chinois de nettoyer cette industrie hyper-polluante grâce à la culture d'algues qui séquestrent le CO2. Le dioxyde de carbone est extrait du charbon brûlé et envoyé dans des tubes en verre pleins d'algues qui l'absorbent. La firme chinoise ENN a passé des années à chercher le bon type d'algues, celles qui aiment ingurgiter le CO2 issu de la fumée de charbon. Ces algues inoffensives peuvent aussi être utilisées comme biocarburant, comme engrais et elles peuvent s'employer dans le domaine de la santé. D'après les premiers tests, elles offriraient de multiples bienfaits.

Devant une cuve témoin de 10.000 litres remplie d'algues vertes, Gan Zhongxue, l'ingénieur responsable du projet, explique comment transformer le charbon sale en un produit sain. En 2012, la taille du dispositif contenant les algues a été multipliée par 1600, atteignant une superficie équivalente à 150 terrains de football. Il se pourrait qu'à l'avenir chaque centrale à charbon soit couplée de serres abritant les tubes d'algues nettoyantes.

 

Gan et son équipe de recherche ENN : culture d'algues dévoreuses de CO2
Gan et son équipe de recherche ENN : culture d'algues dévoreuses de CO2

 

Le professeur Gan est persuadé que cette plante pourra nous sauver : "consacrer tout mon temps et tous mes efforts à ce travail profite non seulement à la firme mais aussi, je l'espère, à l'environnement mondial afin d'avoir une énergie plus propre, une planète plus verte et plus belle". Mais il voit plus grand: "après avoir effectué les calculs, nous avons constaté que si nous pouvions couvrir 12% des déserts mondiaux avec ce type d'usines à algues, ce serait suffisant pour résoudre tous les problèmes d'émission de CO2", dit-il convaincu. A l'heure actuelle, cela reste théorique1, mais cela montre l'ambition de certains scientifiques chinois, car si cette technologie peut être commercialisée, ses bienfaits et ses profits pourraient s'étendre au reste du globe.

En Caroline du nord aux États-Unis, Jim Rogers est le PDG de Duke Energy, un partenaire clef de la firme chinoise ENN. La culture d'algues dévoreuses de CO2 est le symbole de leur relation florissante. Jim Rogers dirige l'un des plus gros fournisseur d'électricité américain. Il voit l'essor de la Chine comme une opportunité: "la collaboration profite aux deux pays, elle fait avancer les nouvelles technologies plus vite que n'importe où dans le monde, et à long terme cela réduira le coût pour les consommateurs, ici, aux États-Unis", affirmait-il.

Notes :

1 Que ce soit en culture intensive sous forme de tube ou extensive avec des bassins à l'air libre, la culture des microalgues intéresse bon nombre de pays, des projets sont répertoriés aux Etats-Unis, en Chine, en Israël, notamment (info de 2019): https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-algues-a-lassaut-du-rechauffement-climatique-1133879