Le recyclage en Chine : de zéro jusqu'à devenir un héros ?

par Piotr Dobrowolski pour Waste Management World, le 20 avril 2021

La Chine est confrontée à une augmentation rapide du volume de ses déchets. À l'avenir, elle souhaite que des sites de collecte de déchets, intelligents et contrôlés numériquement, permettent d'augmenter le pourcentage de déchets recyclés, actuellement encore faible. Ce sera plaus aisé grâce aux caméras de reconnaissance faciale, aux puces RFID et au traitement de données en temps réel.

 

Il est rare de voir le président d'une superpuissance s'occuper personnellement des problèmes de tri des déchets. C'est pourtant ce qu'a fait le président chinois Xi Jinping en novembre 2018. Lors d'un discours, il a fermement exhorté les citoyens de son pays à améliorer leur façon de trier les déchets.

Depuis une bonne vingtaine d'années, la Chine tente d'augmenter son pourcentage de recyclage, avec un succès assez modeste jusqu'ici. En 2019, différents rapports situaient ce taux entre 5% et 20%, mais il n'existe pas de données statistiques fiables à ce sujet. L'estimation de 20 % provient d'une revue liée au ministère chinois de l'écologie et de l'environnement.

Plus un pays se développe et acquiert une grande prospérité, plus ses problèmes de recyclage deviennent urgents, ceci même dans les régions les plus reculées. À l'heure actuelle, la Chine produit déjà plus de déchets que les États-Unis, une nation connue pour son consumérisme; mais la Chine est beaucoup plus peuplée que les etats-Unis. Le Forum économique mondial estime que la Chine aura deux fois plus de déchets ménagers que l'Amérique d'ici 2030.

 

Des amendes sévères

En 2019, accompagnée d'une grande fanfare médiatique, Shanghai est devenue l'une des premières grandes villes chinoises à réorganiser son système de collecte de déchets. Des sites de collecte ont été mis en place dans toute la ville. Dès lors, quiconque ne parvenait pas à séparer proprement les déchets de cuisine, les déchets secs, les déchets recyclables et les déchets dangereux s'exposait à de lourdes amendes : jusqu'à 200 yuans (environ 25€) pour les particuliers et jusqu'à 50.000 yuans (environ 6.460€) pour les entreprises.

Et comme pour beaucoup d'autres infractions, l'amende déclenche l'inscription de points négatifs pour les particuliers sur leur compte de crédit social. Cela impacte sur sa vie privée, par exemple, une personne qui accumule trop de points négatifs est considérée comme moins solvable par les banques chinoises. Le lancement du nouveau système de collecte des déchets a été accompagné d'une campagne d'information massive, non seulement dans les écoles et les médias, mais aussi localement sur les sites de collecte des déchets où des bénévoles ont sensibilisait le public.D'ici 2025, la Chine veut avoir introduit le tri des déchets dans toutes les villes de niveau "préfecture", elles sont actuellement au nombre de 299.

Cependant, dans les petites villes, sans parler des zones rurales, l'ère du recyclage n'a pas encore commencé : "Le principal obstacle à la collecte des déchets solides municipaux dans les zones rurales est l'aspect financier", explique Xu Haiyun, de l'Association chinoise de l'assainissement environnemental urbain. "Dans les zones rurales, la densité de population est faible, la quantité de déchets produite par habitant est petite, et le coût de la collecte des déchets est élevé.

"Cependant, dans les villes, la collecte des déchets se déroule avec quelques difficultés. Outre la poursuite de l'extension des infrastructures de collecte existantes, la Chine pense à utiliser les avantages de la numérisation pour stimuler les citoyens dans le tri des déchets et améliorer la discipline à cet égard. Les premiers projets pilotes sont déjà en cours.

 

Des solutions intelligentes

La zone de développement industriel de haute technologie de Changsha compte déjà 7.195 ménages et 20.607 personnes connectés au système intelligent de collecte des déchets. Après s'être inscrit à l'aide d'un téléphone portable, chaque ménage reçoit un compte où des points bonus sont attribués pour les déchets qui ont été correctement éliminés.Ces points peuvent ensuite être échangés contre des biens de consommation courante, ou de l'argent.

En d'autres termes, le système est basé sur la récompense et non sur la punition, du moins pour l'instant. Les sites de collecte des déchets sont surveillés en temps réel, grâce à des capteurs et des caméras qui déterminent avec précision qui a éliminé quel déchet et à qule moment. L'accès au site de collecte est autorisé au moyen de la reconnaissance faciale, d'un document d'identité ou du scan d'un code QR. Au cœur du site se trouve un bac de recyclage intelligent doté d'ouvertures permettant d'insérer du verre, du métal, du plastique et du papier, ainsi que quatre conteneurs à déchets plastiques de 240 litres.

Les modules informatiques intégrés dans ces derniers effectuent une reconnaissance faciale et une pesée automatique, et un indicateur de niveau signale lorsqu'un conteneur doit être remplacé.Introduit en 2018, ce système jouit d'une grande popularité selon les informations officielles. Le taux de participation est de 100% et la précision de l'élimination des déchets atteint désormais 70%. Plusieurs systèmes similaires sont testés dans d'autres endroits en Chine, mais on est encore loin d'une introduction à grande échelle, même dans une seule ville ou une partie de ville : "Une application à grande échelle est limitée en termes d'applicabilité technique, de coûts d'investissement et de coûts d'exploitation. En raison du coût d'investissement relativement élevé du système, aucune ville ne l'a pas encore totalement adopté", rapporte Guang Zeng du groupe Infore Environment Technology. "À l'avenir, les villes pourraient essayer de promouvoir l'application de ce modèle combiné à un système de facturation des ordures.

 

"Big data pour la gestion des déchets

La smart-collecte des déchets, tel qu'elle est actuellement testée à Changsha et ailleurs, pourra ensuite être étendue et prendre de l'envergure. Par exemple, Guang Zeng souligne que les données recueillies dans les îlots de collecte numériques pourraient être avantageuses pour la planification de la gestion des déchets urbains : "Les systèmes de recyclage intelligents peuvent suivre en temps réel la participation des résidents au recyclage des déchets et mettre à disposition les résultats de l'analyse des big data, qui peuvent être utilisés pour l'évaluation, puis pour la formulation des politiques de promotion et de mise en œuvre correspondantes."

Les sites de smart-collecte des déchets offrent en effet des capacités de contrôle très poussées. Par exemple, il est possible d'obtenir des données sur la quantité et l'emplacement des déchets en installant des puces RFID (Radio Frequency Identification) sur les conteneurs à déchets, ou des lecteurs de cartes à puce RFID sur les véhicules de collecte des ordures. Les modifications ou optimisations éventuelles peuvent alors être effectuées sur la base de données et non de valeurs subjectives. Il en va de même pour la planification des itinéraires les plus efficaces possibles pour les véhicules de collecte des déchets. Les données fournies par les systèmes intelligents de collecte et de recyclage des déchets permettent également de recueillir des informations importantes afin d'utiliser les taxes de collecte pour contrôler les flux de déchets.

 

Unité de collecte intelligente à Shanghai : reconnaissance faciale, puces RFID et traitement des données en temps réel pour le tri des déchets
Unité de collecte intelligente à Shanghai : reconnaissance faciale, puces RFID et traitement des données en temps réel pour le tri des déchets

 

 

URL de l'article en anglais:  https://waste-management-world.com/a/recycling-in-china-from-zero-to-hero