Avec le V2G, la Chine redéfinit le rôle du véhicule dans la société
par François Tessier pour leblogauto.com, le 15 avril 2025
Le véhicule électrique a beau être efficient, il n’en reste pas moins gourmand en énergie, comme tout déplacement de véhicule. La Chine, très en pointe sur le VE commence à anticiper les soucis d’approvisionnement en électricité et le lissage du réseau. L’Empire du Milieu teste les véhicules électriques comme sources d’énergie pour stabiliser son réseau et soutenir les énergies renouvelables.

Alors que la transition énergétique mondiale s’accélère, la Chine prend une longueur d’avance en explorant une innovation majeure : faire des véhicules électriques (VE) des sources d’énergie capables de réinjecter de l’électricité dans le réseau national. Ce programme ambitieux, soutenu par les principales autorités économiques et énergétiques du pays, pourrait révolutionner la manière dont les voitures interagissent avec l’infrastructure énergétique.
Un tournant stratégique pour l’énergie nationale
Le parc des véhicules électriques chinois a consommé en 2024 autant que la Suède. C’est BloombergNEF qui avance ce chiffre en prenant en compte les VEB, les PHEV, véhicules particuliers mais aussi les bus et les camions électriques.
Selon les données publiques, la consommation totale d’électricité en Suède s’est élevée à environ 129,93 milliards de kilowattheures (kWh), soit 129,93 térawattheures (TWh). Pour comparaison, selon les données publiées par RTE (Réseau de Transport d’Électricité), la consommation totale d’électricité en France métropolitaine s’est élevée à 449,2 térawattheures (TWh) sur l’année. BloombergNEF évoque 137 TWh de son côté pour la Suède.
Le parc VE chinois a donc consommé environ 1/4 de la consommation totale d’électricité française. Ce genre de consommation peut être couvert par une surproduction importante. Cela a le défaut de surproduire quand on a moins de demande. Toutefois, on peut aussi vouloir lisser la consommation et la production pour la rendre moins erratique et plus efficiente.
Dans ce contexte de consommation électrique croissante, notamment à cause de l’explosion des ventes de véhicules électriques (plus de 11 millions vendus en 2024, soit 45 % des nouvelles immatriculations, la Chine veut désormais que ses VE ne soient pas seulement des consommateurs d’énergie, mais aussi des fournisseurs temporaires.
Le véhicule-réseau
L’idée est simple et pas nouvelle : utiliser les batteries des véhicules comme des unités de stockage mobiles qui peuvent restituer l’électricité lors des pics de demande, soulageant ainsi le réseau.
Ce système, appelé recharge bidirectionnelle ou Vehicle-to-Grid (V2G), est en phase de test à grande échelle dans le pays. Trente projets pilotes ont déjà été annoncés par la Commission nationale du développement et de la réforme, en partenariat avec l’autorité de régulation de l’énergie chinoise. L’objectif : tester non seulement la faisabilité de la technologie V2G, mais aussi son intégration avec les systèmes de recharge intelligente. Déjà, à l’époque, suite au tsunami et la catastrophe de Fukushima, on avait eu du V2H (alimenter sa maison) et du V2G.
La Leaf 2 était déjà compatible V2G avec un opérateur électrique britannique à l’époque qui promettait une rémunération pour se servir de sa voiture comme batterie. Ici, le principe est repris.
Un levier pour les énergies renouvelables
Le V2G offre une opportunité unique de soutenir la transition vers les énergies renouvelables. En incitant les conducteurs de VE à charger leurs voitures pendant les périodes creuses – où l’énergie solaire ou éolienne est plus disponible – et à les décharger lors des pics de demande, le réseau devient plus souple, plus vert, et moins dépendant des énergies fossiles.
Ce système n’est pas seulement bénéfique pour le pays : il peut aussi représenter une opportunité économique pour les conducteurs. Des simulations menées par BloombergNEF (BNEF) suggèrent qu’un conducteur pourrait gagner jusqu’à 1 100 dollars par an en participant au système V2G, dans le scénario le plus optimiste où 25 % des VE y prendraient part. Un scénario plus réaliste serait de l’ordre de 10 % de participation, ce qui reste prometteur à l’échelle d’un pays aussi vaste que la Chine.
Une stratégie nationale bâtie sur des initiatives locales
La Chine ne part pas de zéro. Depuis au moins 2020, des entreprises comme Dongfeng Motor et State Grid, la plus grande société de services publics au monde, ont testé l’intégration des VE dans la gestion de l’énergie. D’autres constructeurs comme BYD ont signé des accords importants, notamment avec Levo Mobility, pour mettre sur le marché des milliers de véhicules commerciaux compatibles avec le V2G.
Même à l’échelle internationale, des initiatives similaires ont vu le jour : en Californie, BMW et le fournisseur PG&E expérimentent depuis dix ans la recharge bidirectionnelle avec des résultats jugés encourageants. Mais c’est bien en Chine que l’échelle et le potentiel sont les plus impressionnants.
Défis à surmonter pour le V2G
Cependant, tout n’est pas simple. L’un des plus grands obstacles identifiés est d’ordre logistique et urbain. Dans de nombreuses villes chinoises, les habitants vivent dans de grandes tours d’habitation avec peu de parkings ou d’infrastructures de recharge accessibles, ce qui complique la généralisation de la recharge bidirectionnelle. Il faudra donc une planification urbaine adaptée, mais aussi des investissements massifs pour moderniser les bornes de recharge et intégrer les technologies intelligentes nécessaires au bon fonctionnement du V2G.
Un autre défi réside dans la synchronisation des flux énergétiques. L’idée de recharger la journée et de décharger la nuit repose sur des comportements cohérents de millions de conducteurs, ce qui nécessite des incitations financières attractives et une éducation du public.
Un modèle potentiel pour le reste du monde
Malgré ces défis, les experts s’accordent à dire que la Chine est en train de bâtir un modèle qui pourrait devenir la norme mondiale. Kai Li Lim, chercheur à l’université du Queensland, souligne que la taille du parc automobile chinois, combinée à l’ambition politique et technologique du pays, fait de la Chine le « meilleur laboratoire à ciel ouvert pour tester le V2G ».
Si la Chine parvient à adopter une norme nationale V2G, elle pourrait imposer ses standards technologiques au reste du monde, comme elle l’a déjà fait dans d’autres secteurs (panneaux solaires, batteries, etc.). Cette domination dans la recharge bidirectionnelle aurait des conséquences majeures sur la chaîne d’approvisionnement mondiale, les protocoles de recharge, et même sur les décisions politiques liées à l’énergie dans d’autres pays.
Notre avis par leblogauto.com
En faisant de ses millions de véhicules électriques de véritables batteries roulantes capables de soutenir le réseau électrique, la Chine redéfinit le rôle du véhicule dans la société. Ce qui était auparavant une simple voiture devient un maillon essentiel du système énergétique. Avec cette initiative, le pays ne cherche pas seulement à répondre à sa propre demande croissante d’électricité, mais à montrer la voie vers une mobilité intelligente, durable et interconnectée.
Le succès du programme V2G chinois pourrait catalyser l’adoption mondiale de cette technologie, accélérer la transition énergétique et positionner la Chine comme leader incontesté de l’énergie verte intelligente.
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