Pourquoi les Chinois ne se révoltent-ils pas malgré la dureté de leur gouvernement ?

par François Ouellette, Professeur à l'Université de Chengdu, le 21 février 2022

J'habite à Chengdu depuis bientôt quatre ans, et je dois dire qu'en effet, le gouvernement est d'une dureté inimaginable.

 

J'habite entre deux grands parcs. L'un abrite 74 espèces de bambous, plusieurs étangs, un vaste espace salon-de-thé en plein air, des espaces ouverts où les gens vont danser, ou chanter (chorale tous les dimanches après-midi), ou pratiquer le tai chi, ou se faire prendre en photo costumés en Han Fu (costumes traditionnels).

Le Parc de la tour Wangjiang est une immense bambouseraie dans le centre ville de Chengdu
Le Parc de la tour Wangjiang est une immense bambouseraie dans le centre ville de Chengdu

 

L'autre parc a un grand lac (c'est le nom du parc: le parc du lac de l'Est), un très beau boisé tout autour, et des galeries d'art. On vient d'y ouvrir un théâtre experimental immersif, qui se dit le plus grand du monde. Ce parc a été construit avec de l'argent privé: le gouvernement a offert à des promoteurs immobiliers les droits sur les terrains adjacents, à la condition qu'ils construisent le parc à leurs frais.

Parc de l'Est à Chengdu
Parc de l'Est à Chengdu

 

Chengdu est traversée par plusieurs rivières, toutes bordées de verdure et de pistes piétonnes et cyclables (et bien sûr d'espaces pour danser, chanter, pratiquer le tai chi, etc. Etc., ça va de soi!)

Je ne possède pas de voiture. Je me déplace en vélo la plupart du temps, ou alors en métro et en bus, ou avec Didi (Uber). La plupart des grandes (et petites) rues ont une voie cyclable très large, où circulent les vélos et scooters électriques (il y a très peu de motos à essence). C'est bien les scooters électriques, c'est silencieux et ça ne polllue pas. Je prends donc des vélos partagés, qui me coûtent environ 15 yuan, soit 2 euros, pour 3 mois. Chengdu est à construire un vaste réseau de pistes cyclables joignant une succession de parcs autour de la ville. 17,000 km en tout quand ce sera terminé!

Si j'avais une voiture, je ne pourrais l'utiliser aux heures de pointe qu'une journée sur deux, selon mon numéro de plaque.

Récemment, les bus à essence ont commencé à être remplacés par des bus électriques.

Le deuxième périphérique, à côté de chez moi, a une voie réservée aux bus, qui permet d'éviter les embouteillages. À l'heure de pointe, il y un bus aux 30 secondes.

Je n'ai pas parlé du métro. Pour l'instant, c'est un peu le bordel partout parce qu'ils construisent encore de nouvelles lignes. Quand ce sera terminé (encore 2 ou 3 ans de patience!), il y aura une station au moins à tous les 500 mètres en ville, allant jusqu'à plus de 30 km en périphérie. Le métro qui reliera le nouvel aéroport circulera à plus de 150 km/h!

Je fais mes emplettes hebdomadaires dans un marché à ciel ouvert, dans une ruelle pas loin de chez moi. Dernièrement, comme l'état des lieux était plutôt délabré, le gouvernement a décidé de repaver la rue, et demandé poliment aux vendeurs de reculer leurs étalages pour aider à la circulation. C'est beaucoup mieux maintenant.

Un marché ouvert à Chengdu
Un marché ouvert à Chengdu

 

En 2008, il y a eu un terrible tremblement de terre au Sichuan. 70,000 personnes ont perdu la vie. La petite ville de Wenchuan a été pratiquement rasée. J'y suis allé il y a deux ans (en 2017). La ville est maintenant pratiquement entièrement reconstruite. Il y a un parc et un musée commémoratif. Les normes de construction ont été renforcées. Les systèmes de secours d'urgence ont été améliorés. Lorsqu'il y eu un tremblement de terre à la station touristique de Jiuzhaigou il y a deux ans, ils ont évacué les 80,000 touristes en 24 heures. À peine une minute après le tremblement de terre, des ambulances et autres secours venant de 300 km à la ronde étaient en route.

La pollution peut être un problème en Chine. Mais depuis quatre ans, je l'ai vue diminuer d'année en année. L'été à Chengdu, il n'y a plus vraiment de pollution, et l'hiver, qui est plus problématique, est sur la bonne voie.

La pollution agricole est aussi un problème partout. Le gouvernement du Sichuan m'a récemment accordé une subvention pour développer un capteur qui mesure la concentration de nitrate dans les eaux usées agricoles. Oui oui, moi, un étranger, maintenant professeur à l'Université de Chengdu. Qui sait, si ce projet est une réussite, ça permettra peut-être de remplacer les appareils achetés à l'étranger et qui coûtent trop cher pour le fermier moyen.

Lorsque j'ai eu des problèmes avec mon ex-employeur, j'ai dû faire affaire avec plusieurs personnes au gouvernement, et dans le système judiciaire. Tous ont fait le plus qu'ils pouvaient pour m'aider. Les représentants du Parti (communiste, bien sûr) de l'Université ont plaidé en ma faveur.

Alors oui, vraiment, je crois que les gens devraient se révolter, car le gouvernement est d'une dureté… inimaginable!

 

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