La "ville-éponge", un concept chinois qui s'installe lentement en Europe

par Elisabeth Martens, le 5 juillet 2023

Le concept de "ville éponge" a été développé dans les années 2000 par de grandes métropoles asiatiques, comme Wuhan en Chine, pour faire face aux inondations. Permettre à l’eau de s’infiltrer là où elle tombe limite les dégâts liés aux événements météorologiques extrêmes, de plus en plus fréquents à cause du réchauffement climatique.

 

Wuhan, une ville-éponge de Chine
Wuhan, une ville-éponge de Chine

Le concept de ville éponge apparaît dès les années 2000 dans des publications scientifiques chinoises. En absorbant et en captant les eaux de pluie qui se déversent sur la ville, on peut atténuer les inondations urbaines, prévenir la pénurie en eau potable, diminuer l'effet d'îlot de chaleur urbain, améliorer l'environnement écologique et la biodiversité. Les politiques de la ville éponge sont un ensemble de solutions fondées sur la nature qui permettent le stockage et la redistribution de l'eau ; le concept provient d'un savoir-faire vernaculaire fondé sur l'adaptation à des évènements climatiques, en particulier aux moussons quiont toujours causé beaucoup de dégâts dans le sud de la Chine.

C'est l'inondation de Pékin du 21 juillet 2012 (79 morts) qui a incité les autorités chinoises à faire des villes éponges des prototypes de ville-nouvelle.Entre 2011 et 2014, 62 % des villes du pays ont été inondées, entraînant 100 milliards de dollars de pertes économiques. Ces chiffres impressionnants résultent tant de l’intensification des tempêtes liée au réchauffement climatique que de l’urbanisation effrénée de ces trente dernières années. La disparition des marécages, des forêts, des prairies… ainsi que l’enfermement des rivières dans des camisoles de béton obligent aujourd’hui les eaux pluviales, qui filtraient autrefois à travers le sol, à stagner et à s’accumuler.

Constatant l'échec des infrastructures conventionnelles censées contrôler les inondations, la Chine a construit et transformé de nombreuses villes selon le modèle des villes éponges. En 2015 et 2016, des projets pilotes de villes éponges ont été conçus avec le soutien des politiques nationales. Par la suite, le ministère central des Finances a introduit un modèle de "partenariat public-privé" (PPP) afin d'accroître le soutien financier de ces projets.

Parmi la première vague de villes-éponges pilotes, il y eut Zhenjiang (dans le Jiangsu), Jiaxing (dans le Zhejiang) et Xiamen dans le Fujian, trois villes du sud-est de la Chine. Ensuite, 14 autres villes, dont Shenzhen, Shanghai, Tianjin, Chongqing, Wuhan et Pékin ont fait partie du deuxième lot de villes-éponges pilotes. Initialement limité à 16 villes, le programme en comprend désormais plus de trente. D'ici à 2030, le pays prévoit que 80 % des villes récolteront et réutiliseront 70 % leurs eaux de pluie.

A Shanghai, la ville la plus peuplée de Chine et particulièrement exposée au danger de la montée des eaux en raison de sa position côtière, le modèle de « ville éponge » est notamment testé dans le quartier de Lingang (dit aussi Nanhui). Les rues y sont construites avec des matériaux perméables, permettant à l'eau de pénétrer dans le sol. Les terres-pleins centraux, remplis de plantes, y sont transformés en jardins pluviaux. Une multiplication de parcs, un lac artificiel, des toitures végétalisées ou équipées de réservoirs complètent le dispositif.

Le quartier Lingang à Shanghai
Le quartier Lingang à Shanghai

Depuis 2014, la Chine et la France coorganisent le Forum franco-chinois de la ville durable tous les ans. Le siège du Forum est installé dans la ville-éponge de Wuhan, signe fort de la pérennisation du dialogue entre les deux pays. Mais existe-t-il des villes-éponges en France?

En Île-de-France, il y a un grand plan de végétalisation, qui prévoit de rendre 40% de la surface du sol perméable ou végétalisé d'ici 2050, de créer 30 nouveaux hectares d'espaces verts et de planter 2000 arbres. Faire reculer le béton et laisser l'eau s'infiltrer dans la terre passe aussi par de nombreuses autres solutions : zones de pleine terre au pied des bâtiments, petites mares au pied des gouttières, dalles enherbées, toitures végétalisées...

En Pyrénées orientales, dans la commune d’Elne, on installe dans le centre-ville des potagers urbains à la place des parkings. Le but : recréer des réserves utiles dans les sols et recharger les nappes phréatiques. « Ici, en raison du climat méditerranéen, on a des périodes très longues sans pluie, et des périodes très courtes où il pleut en grosse quantité », rappelle un habitant.

Le but de la démarche est de capter l’eau pour remplir les nappes, créer des îlots de fraîcheur et produire de la nourriture pour les habitants. Car la municipalité profite de cette transition végétale pour renforcer son autonomie alimentaire. Selon elle, c'est un moyen de combattre la pauvreté dans cette ville qui fait partie des plus défavorisés de France. Ainsi, avec la « ville éponge » est née la « ville jardin ».

En Angleterre aussi, la stratégie de la ville-éponge à la chinoise fait son chemin. Manchester est connue pour être l'une de villes les plus pluvieuses d'Angleterre. Du coup, elle est régulièrement envahie par les eaux lorsque la rivière Irwell déborde. S'inspirant du modèle chinois, la ville a construit un parc urbain baptisé West Gorton Park conçu pour absorber l'eau de pluie et la libérer progressivement dans les égouts plutôt qu'en une seule fois afin de laisser du temps à l'eau de s'évacuer. Le parc accueille ainsi des bassins de rétention d'eau, des prairies et des arbres aux racines absorbantes qui réduisent le risque d'inondations. De plus, toute nouvelle construction doit intégrer un système de drainage permettant d'évacuer l'eau de pluie.

West Gorton Park à Manchester
West Gorton Park à Manchester

Sources :

https://reporterre.net/Dans-cette-ville-eponge-les-potagers-remplacent-les-parking?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo

https://fr.businessam.be/comment-ces-5-villes-europeennes-se-protegent-des-grandes-crues/

https://leshorizons.net/nimegue-exemple-ville-verte-resiliante-defi-climatique/

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/chine-shanghai-teste-le-modele-des-villes-eponges-801020.html

http://growgreenproject.eu/city-actions/manchester/

https://www.18h39.fr/articles/moins-de-beton-plus-de-vegetation-pour-lutter-contre-les-inondations.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_%C3%A9ponge

http://www.chinatoday.com.cn/ctfrench/2018/zfq/201802/t20180201_800115927.html

https://www.pourlascience.fr/sd/climatologie/bienvenue-dans-les-villes-eponges-20671.php