Reconversion des terres cultivées en forêts, programme du ministère chinois de la protection de l'environnement

par Lucas Gutiérrez Rodríguez, Nicholas J. Hogarth, Wen Zhou, Chen Xie, Kun Zhang, Louis Putzel, le 12 septembre 2016

En Chine, l'agriculture intensive sur des terrains en pente a toujours conduit à la perte et à la dégradation des forêts. Ce type d'agriculture en terrasses associée à l'exploitation forestière ont été considérés comme responsables d'inondations catastrophiques à la fin des années 1990. Ces événements ont conduit à l'introduction de politiques forestières visant la conservation écologique et le développement rural en Chine. Dès 1999, le ministère de la protection de l'environnement a décidé du lancement d'un programme de reconversion des terres cultivées en forêts (CCFP). L'étude systématique ci-dessous répond à la question: « quels sont les effets environnementaux et socio-économiques du programme chinois de reconversion des terres cultivées en forêts après les 15 premières années de pratique? »

 

Méthode de travail

Sur la base du protocole publié, nous avons recherché des études en anglais publiées entre 1999 et 2014. Nous les avons examinées pour leur pertinence et leur éligibilité, après quoi les plus pertinentes ont été évaluées plus avant pour les sources potentielles avant l'extraction et l'analyse des données. Après une sélection initiale de 879 titres et résumés, 169 études ont fait l'objet d'une étude du texte intégral, suivie de 61 études soumises à une évaluation de la qualité.

Dix-huit articles ne répondaient pas aux critères de qualité minimum, tandis que les 43 articles restants étaient éligibles et ont subi une extraction de données et des analyses ultérieures. Parmi l'ensemble final de 43 études figuraient quatre études au niveau national, sept études au niveau régional et 32 ​​études au niveau du comté (ou au-dessous). La majorité des études ont été publiées après 2009 et ont évalué les impacts au cours des 5 premières années de mise en œuvre du programme CCFP, de sorte que les impacts à long terme du programme restent ouverts à une enquête plus approfondie.

 

Résultats

Une distribution temporelle et géographique asymétrique des études réalisées limite une généralisation des résultats. Toutefois, sur base de preuves, une augmentation substantielle du couvert forestier et des stocks de carbone liés à la réaffectation des terres agricoles à la forêt est confirmée. Dans une certaine mesure, l'érosion des sols a été contrôlée et le risque d'inondation a été réduit à l'échelle locale. Parallèlement, les revenus des ménages ont globalement augmenté grâce à un réajustement des emplois en milieu rural vers les secteurs non agricoles. Cependant, certaines études indiquent également des cas de diminution de la sécurité alimentaire et d'augmentation des inégalités sociales.

Enfin, plusieurs études indiquent des compromis régionaux ou locaux qui ne semblent pas optimaux entre des services écosystémiques spécifiques, par exemple entre la séquestration du carbone et le volume d'eau nécessaire aux plantations d'arbres, ou entre le contrôle des inondations et le remplacement des sols riverains, ou encore entre la productivité des forêts et leur biodiversité.

 

Conclusions

Des recherches supplémentaires sur les impacts environnementaux à long terme et les effets des programmes dans des régions peu étudiées, en particulier les provinces du sud et de l'ouest, sont nécessaires. En termes de recommandations pour de futures recherches sur le programme CCFP, il est nécessaire d'examiner les facteurs de confusion, idéalement par le biais de sélection de groupes témoins correspondants aux participants du CCFP, et de s'assurer que les méthodologies d'échantillonnage soient représentatives des sites d'étude sélectionnés et de l'ensemble ciblé. Il reste de nombreuses opportunités d'évaluer les effets socio-écologiques spécifiques du CCFP.

Les futures décisions politiques devraient s'y référer pour mieux gérer la restauration écologique et l'éco-compensation, tant dans la théorie que dans la pratique. Depuis la création du CCFP, les revenus des agriculteurs et la superficie forestière ont augmenté, mais avec certains coûts spécifiques locaux en termes d'autosuffisance alimentaire et de biodiversité. Plusieurs compromis ont été identifiés, notamment entre le stockage du carbone et la demande en eau pour les plantations d'arbres, ou encore entre la prévention de l'érosion des sols et l'approvisionnement en eau dans les régions arides.

À l'avenir, le programme CCFP devra développer de nouvelles stratégies visant la restauration écologique et l'amélioration des moyens de subsistance, ceci de manière plus holistique et socialement inclusive.

Dans l'idéal, la sélection des sites destinés à la reconversion devrait minimiser l’empiétement sur les terres agricoles fertiles et sur leur biodiversité afin de préserver la sécurité alimentaire locale et de maintenir les services écosystémiques à long terme. Les décisions de reconversion et les pratiques de gestion doivent se baser sur un large éventail de résultats souhaités, ceci pour garantir que l'utilisation des terres et la répartition des espèces remplissent simultanément les objectifs d'amélioration de l'environnement et de diversification des moyens d'existence. Dans le même temps, la conception des programmes doit prévoir et atténuer les compromis entre les avantages écologiques et sociaux à différentes échelles géographiques et politiques, ainsi qu'entre les services écosystémiques sur des périodes de temps courtes et longues.

De plus, le ciblage des subventions de l'État, ainsi que le paiement des compensations urbains-ruraux doivent non seulement compenser les coûts du retrait des terres, mais également garantir l'équité de distribution entre les zones rurales et les populations urbaines, les migrants et les groupes confrontés à des défis spécifiques (identité et contexte). La planification de l'utilisation des terres devrait prévoir plusieurs étapes de transformation du paysage au cours desquelles les effets et les rétroactions des services écosystémiques ne seraient pas linéaires.

URL de l'article complet en anglais : « Programme chinois de reconversion des terres cultivées en forêts : examen systématique des effets environnementaux et socio-économiques » :