Climat : vers une coopération Europe-Chine ?

par Marie Dancer, le 9 décembre 2019

Les négociations à la conférence mondiale pour le climat, la COP25, qui se tient à Madrid jusqu’au 13 décembre, entrent dans leur deuxième et dernière semaine. Alors que les États-Unis en sont les grands absents, tous les regards sont tournés vers l’Union européenne et Pékin.

 

C’est l’histoire d’un tricycle qui essaie de garder ses trois roues. Tant bien que mal. Le tricycle, c’est la « stratégie climat » pour la planète. Les roues, ce sont les trois principales zones géographiques capables de peser sur le dérèglement climatique, pour le meilleur ou pour le pire : UE, Chine et États-Unis.

Alors que les négociations au sein de la conférence mondiale pour le climat, la COP25, qui se tient à Madrid jusqu’au 13 décembre, entrent dans leur deuxième et dernière semaine, les dynamiques à l’œuvre sont scrutées de près.

Car cette COP, souvent présentée comme un sommet « de transition », a pourtant la tâche d’inciter chaque pays à relever ses ambitions climatiques en vue de la COP26 de Glasgow, en Écosse, en 2020.

 

Tensions géopolitiques

Problème, le contexte international s’est dégradé par rapport au « momentum » de l’Accord de Paris, en 2015, « où chaque pays jouait son rôle », déplore Li Shuo, observateur de la COP pour Greenpeace Chine. Les tensions géopolitiques et économiques sont passées par là, la montée des populismes aussi. Résultat : « les États-Unis sont en dehors du jeu durant cette COP », tranche Li Shuo. Il y a bien une délégation américaine, mais elle est seulement composée de personnel administratif, sans personnalités politiques.

La patronne démocrate de la chambre des représentants, Nancy Pelosi, a certes fait un passage remarqué à Madrid, accompagnée d’une quinzaine de membres du Congrès et de sénateurs engagés sur le défi climatique. « Nous sommes toujours là, impliqués, a-t-elle martelé avec force lors d’une conférence de presse. Nous devons agir, une partie des USA vont rester dans l’Accord de Paris. » Et d’évoquer le mouvement « We are still in », qui rassemble près de 3 800 membres – gouvernements locaux d’États américains, entreprises, universités… –, contre le dérèglement climatique.

 

Changer la donne

Mais pour Li Shuo, « Nancy Pelosi ne représente que la moitié des États-Unis et une forte base de la population reste opposée à toute action en matière climatique. Le gouvernement fédéral est loin de ce qu’il devrait faire en la matière. »

Inutile, donc, d’attendre à Madrid quoi que ce soit de Washington. En l’absence des États-Unis, « les ONG et le reste du monde nourrissent de fortes attentes à l’égard d’une coopération UE-Chine face au défi climatique. C’est la seule possibilité de changer la donne », insiste l’observateur de Greenpeace Chine. La Chine et l’Europe, qui pèsent à elles deux un tiers des émissions mondiales (12 % pour les États-Unis), ont chacune installé leur pavillon à la COP 25. Mais toutes deux envoient des signaux contradictoires, regrettent les observateurs.

 

Planètes « désalignées »

Côté chinois, « les années 2011 à 2017 ont été très positives pour la réduction des émissions de CO2, retrace Li Shuo qui regrette cependant que depuis deux ans, les planètes se désalignent ». Incertitudes géopolitiques internationales, contentieux multiples avec les États-Unis, croissance en berne, les nuages s’amoncellent dans le camp chinois, « au risque de détourner l’attention de l’agenda climatique », relève Laurence Tubiana, qui fut l’ambassadrice pour les négociations de la COP21 à Paris. À ce stade, la Chine n’a pas annoncé si elle allait ou non relever ses ambitions climatiques.

Tous les regards se tournent donc vers l’Europe, « le facteur majeur qui peut changer la donne », insiste Li Shuo. Alors que l’espace politique est devenu très étroit, « l’UE peut donner l’exemple pour entraîner Pékin, en annonçant elle-même une hausse de ses ambitions climatiques, au plus vite. Pour le moment, elle vise de réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030 mais le vrai effort pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 s’élève à -65 %. La nouvelle commission européenne hésite entre -50 et -55 %, mais il faut aller plus loin. »

« L’Union européenne a été en retrait lors de la COP de Katowice (Pologne) en 2018, observe Laurence Tubiana. Cette année, elle semble avoir vraiment envie de gérer cette COP de manière coordonnée et dynamique. »

 

Signaux contradictoires

Mais les signaux envoyés par l’UE restent contradictoires à ce stade. En guise de bonne volonté, les autorités européennes mettent en avant le « green deal » – pacte vert – qu’elles s’apprêtent à dévoiler le 11 décembre, afin de stimuler la transition énergétique. Elles insistent aussi sur l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, que l’UE espère annoncer courant 2020, après avoir convaincu les derniers États réticents – Pologne, Hongrie et République tchèque.

« Mais il faut des objectifs plus rapprochés pour envoyer des signaux à la Chine, presse Li Shuo. Sinon, on retournera dix ans en arrière au plan international. » Le sommet UE-Chine, prévu en septembre 2020, est aussi « une fenêtre de tir idéale pour tirer vers le haut l’agenda climatique », poursuit-il.

D’ici là, l’UE est d’autant plus attendue qu’elle tient son premier conseil européen avec la nouvelle Commission en place les 12 et 13 décembre, ce qui coïncide avec la clôture de la COP de Madrid. « Le temps presse, insiste Li Shuo, qui regrette « ce décalage permanent entre la science et le temps politique. »

 

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