COP 25: la Chine au cœur de toutes les inquiétudes

par Valéry Laramée de Tannenberg, le 9 décembre 2019

En ce début de seconde semaine du sommet climatique de Madrid (COP 25), la Chine souffle le chaud et le froid. Dans les dernières heures du week-end, le groupe des 77 a assoupli sa position dans les négociations.

 

COP 25
COP 25

Désormais, les représentants des 132 pays en développement ne considèrent plus que toutes les ressources financières que les pays développés devront mobiliser pour réunir les fameux 100 milliards de dollars d’aides à l’adaptation devront être additionnelles.

Dit autrement, les pays riches qui se sont engagés à verser 100 milliards par an à partir de 2020 pourront compléter leur aide (publique et privée) à l’adaptation des pays les plus vulnérables. Une chose est certaine : cette concession n’aurait pu voir le jour sans l’aval de Pékin (le plus important des pays membres du G77). Cela ne présume en rien du résultat de la COP 25. Mais à en croire certains officiels onusiens, les tractations se passent raisonnablement bien pour espérer la conclusion d’un paquet de décisions à la fin de cette semaine.

 

Esquisse d'INDC

Pour le plus long terme, les perspectives chinoises sont, en revanche, nettement plus sombres. En principe, les parties à l’Accord de Paris devront publier, l’an prochain, leur seconde fournée d’engagements volontaires nationaux, plus connus sous l’acronyme NDC. A un an de l’échéance, l’empire du milieu n’a pas encore publié sa seconde NDC. Mais de nombreux signaux permettent de l’esquisser.

L’Innovative Green Development Program (IGDP) s’est essayé à l’exercice. Dans un rapport[1], présenté ce lundi 9 décembre à la COP madrilène, le cabinet de consultant pékinois établit un scénario plausible de la NDC chinoise n°2, en se basant exclusivement sur des études et des déclarations officielles1.

Ce n’est pas une découverte, mais sur la question climatique, le gouvernement est partagé. Il y a d’un côté les fans du premier ministre, Li Keqiang, partisan d’une relance à tout prix de l’économie. On trouve sur l’autre rive les proches du ministre de l’environnement, Li Ganjie, beaucoup plus modérés. Ces deux visions concurrentes expliquent le flou dans lequel se trouvent encore les observateurs.

A ce stade, plusieurs objectifs à long terme sont donc envisageables, indiquent les analystes de l’IGDP: neutralité carbone vers 2050, baisse de l’intensité carbone ou proportion d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique.

 

CO2 only

Autre sujet d’inquiétude : les gaz à effet de serre (GES) autres que le CO2. Si l’on excepte le protocole de Kigali, Pékin n’a jusqu’à présent pris que des engagements carbonés. Or, les GES non carbonés représentent 18% de l’empreinte climatique chinoise.

Après avoir décortiqué les plans à 2030 des différentes directions techniques du gouvernement, l’IGDP estime probable que la prochaine NDC annonce une décarbonation de la moitié du parc énergétique chinois à l’horizon de 20502. Dès 2030, les performances énergétiques des systèmes de climatisation auront progressé de 25% par rapport à celles de 2005. Les normes thermiques de la construction seraient, elles aussi, revues à la hausse. On peut aussi parier sur une poursuite de la transformation du parc automobile: des véhicules thermiques consommant moins de 4l/100 et la montée en puissance des véhicules électriques.

Aussi importants soient-ils, ces efforts seront-ils favorables au climat ? On peut en douter. Dans le scénario, le plus favorable, les seules émissions de CO2 augmenteraient 12% entre 2014 et 2030. La progression pourrait atteindre, sur la même période, 55%, dans l’hypothèse la plus défavorable. De quoi torpiller l’Accord de Paris. Et ce, malgré la baisse annoncée de la croissance du PIB (qui tombera à 3%/an en 2050) et de la population. Vous avez dit urgence climatique?

 

URL de l'article:

http://www.journaldelenvironnement.net/article/cop-25-la-chine-au-c-ur-de-toutes-les-inquietudes,101666#_ftnref

 

1What to expect in China’s second Nationally Determined Contribution.

2En 2030, seuls 20 % de la production d’énergie primaire seront décarbonés.