La paix devrait être le premier combat de l'écologie

par Élisabeth Martens, le 17 décembre 2023

Les tensions et les guerres que l’on vit actuellement sur la planète sont un obstacle majeur pour atteindre les objectifs requis par les COP depuis leur fondation (1992 à Rio). La recherche de la paix devrait être le premier objectif pour les défenseurs de la stabilité climatique. Or la guerre d'Israël contre la bande de Gaza de Palestiniens a ouvert une nouvelle ère de querelles politiques entre grandes puissances, avec la Chine et la Russie d'un côté et les États-Unis de l'autre. Pourtant, la Chine avec sa proposition de "communauté de destin humain" a l'ambition d'embarquer l'humanité dans son arche. Est-ce rêver ?

 

Depuis la guerre en Ukraine, la Chine est sortie de sa réserve habituelle. Elle a fermement condamné le soutien apporté par les États-Unis et ses alliés de l'Otan déclarant que ceux-ci restent "figés dans une mentalité de guerre froide". Elle a accusé Washington de "jeter de l'huile sur le feu" en apportant son soutien militaire indéfectible à l'Ukraine.

De même pour le conflit opposant Israël et la Palestine: dès le début de ce terrifiant mois d'octobre, le ministre des affaires étrangères, Wang Yi, a appelé à « l’arrêt des combats le plus tôt possible » et au respect du « droit humanitaire international ».

En marge d’une rencontre à Pékin avec Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, le chef de la diplomatie chinoise interrogeait : « Les Israéliens ont obtenu des garanties pour leur survie, mais qui va s’occuper de la survie des Palestiniens ? Le peuple juif n’est plus sans foyer dans le monde, mais quand la nation palestinienne va-t-elle retrouver sa maison ? »

 

Conférence de presse du chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, et du ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, à Pékin, en Chine, le 13 octobre 2023. ANDRES MARTINEZ CASARES / AP
Conférence de presse du chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, et du ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, à Pékin, en Chine, le 13 octobre 2023. ANDRES MARTINEZ CASARES / AP

Les États-Unis et Israël avaient clairement exprimé leur "déception" face à la position ambiguë de la Chine et l'avaient exhorté à condamner le Hamas. La Chine est pourtant restée sur ses positions: "L'issue fondamentale du conflit réside dans la mise en œuvre de la solution à deux États et dans l'établissement d'un État palestinien indépendant", a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois.

Ces propos sont conformes à la position adoptée de longue date par la Chine à l'égard du conflit israélo-palestinien. Le soutien des Chinois aux Palestiniens est aussi ancien que la République populaire de Chine. Pendant la guerre froide, Mao a privilégié un rapprochement avec les pays arabes dans lesquels le socialisme était en pleine expansion.

Les relations diplomatiques entre la Chine et Israël ont aussi commencé très tôt, l’État hébreu ayant été le premier pays du Proche-Orient à reconnaître en 1949 le régime communiste de Mao. Pour autant, ce n'est qu'en 1992 que les deux États établissent des relations diplomatiques officielles. Dans les vingt années qui ont suivi, leurs échanges bilatéraux ont été rapidement multipliés. La Chine est actuellement le troisième partenaire commercial d’Israël. Elle n'a aucun avantage à critiquer la politique de Netanyahou.

Alors que Pékin entendait jouer un rôle de médiateur dans le nouveau conflit israélo-palestinien, il fustige aujourd'hui Israël l'accusant d’avoir dépassé « le domaine de l’autodéfense » et appelle l’État hébreu à cesser de « punir collectivement » Gaza.

 

"Quand on voit les centaines de tonnes d’explosifs déversés sur la malheureuse prison qu’est l’enclave de Gaza et les destructions d’immeubles qui devront être reconstruit un jour, si Israël le permet, on a là l’exact opposé à ce que prétend défendre la COP28", dit Alain Adriaens, co-fondateur du parti Ecolo en Belgique puis membre du Mouvement Politique des Objecteurs de Croissance (MPOC) et actif à la rédaction de "Pour".

C’est par dizaines, voire par centaines de milliards de dollars que les États-Unis arrosent l'Ukraine et Israël, faisant tourner leurs usines d'armement 24 heures sur 24. Cette année, le crédit militaire américain a atteint 858 milliards de dollars, ce qui représente 3% du PIB du pays, "quand dans le même temps plus de 30 millions d’Américains ne bénéficient d'aucune assurance maladie, dont un grand nombre d’afro-américains", rappelle Jean-Pierre Page, ancien responsable du département international de la CGT dans son article paru dans "Chine/USA, la guerre imminente?"

"Il faut remettre en valeur les principes mêmes de la Charte des Nations unies et agir pour la faire vivre concrètement", ajoute-t-il, "cela exige un état d'esprit nouveau dégagé des conservatismes qui figent et divisent". Il déplore que la "Charte de défense des droits de l'homme" fût devenue "une arme à disposition de l'impérialisme pour soumettre le reste du monde" et prône la création d'une nouvelle ONU indépendante des États-Unis ainsi qu'une dé-dollarisation du système financier qui gangrène la planète.

C'est un état d'esprit nouveau dont l'humanité a besoin, or il a été initié par la Chine, en 2011, lorsque le gouvernement chinois a publié le livre blanc du "Développement de la paix". Après dix années de réflexion et d'approfondissement, c'est devenu le concept de "Communauté de destin humain". Selon Zheng Ruolin, journaliste et écrivain, ce concept vise à "prendre en compte la préoccupation raisonnable d'autres nations lors de la poursuite des intérêts de son propre pays et à promouvoir le développement commun de tous les pays dans la recherche de leur propre développement." N'est-ce pas là l'amorce d'une ONU réinventée, capable de lutter efficacement contre les différentes crises convergentes qui nous assaillent, et par dessus tout, contre cette prétention absolue de domination de notre planète?

« Dans les années à venir, ce qui sera décisif seront les réponses politiques à apporter au choix de développement comme à la préservation de notre environnement, ceux qui adressent la réponse aux besoins sociaux du plus grand nombre, de la lutte contre la pauvreté de masse et surtout de l'action contre l'explosion des inégalités, les gâchis et la corruption », écrit Jean-Pierre Page.

Depuis la fondation de la République populaire de Chine, en 70 ans, la Chine est devenue une puissance économique incontournable, mais elle n'a jamais envahi aucun pays étranger, elle n'a jamais colonisé aucun pays du monde, elle n'a jamais pratiqué l'expansion militaire. Alors qu'elle est encerclée par 400 bases militaires états-uniennes, elle n'a aucune base militaire à l'étranger.

Depuis la réforme économique lancée par Deng Xiaping (1978), puis son adhésion à l'OMC (2001), le système économique de la Chine a ouvert des opportunités aux capitalistes, mais ces nouveaux riches sont restés pieds et poings liés à l'appareil d’État et aux banques publiques, empêchant un capitalisme monopoliste de se développer.

 

La Chine est un pays où l'argent prêté par les banques, en commençant par la banque centrale, la "Banque du Peuple", est dirigé vers la construction, vers le développement des infrastructures, vers une économie réelle où importe les niveau de vie des citoyens. C'est la raison pour laquelle plus de 90% des citoyens chinois se disent satisfaits des décisions prises par leur gouvernement.

Arnold Joseph Toynbee, célèbre historien britannique du XXe siècle, a un jour déclaré : « Si la Chine parvient à ouvrir une voie alternative pour ce qui est des choix stratégiques socio-économiques, elle démontrera alors sa capacité à offrir au monde un don vital pour elle comme pour le reste du globe. Un don qui résulterait de l’union entre la vitalité de l’Occident moderne et la stabilité de la Chine traditionnelle. » La construction d’une « communauté de destin pour l’humanité » fait-elle partie de ce don majeur ?

En tous cas, c'est en ce sens que la Chine a ouvert les nouvelles "Routes de la Soie" invitant les BRICS et les autres pays émergents à participer. Le « cercle d’amis » de la Chine s’est progressivement élargi. L'initiative « Belt and Road » (BRI) et le « Partenariat régional économique global » (RCEP) concernent maintenant plus de deux tiers des pays du monde dont une majorité sont des pays à faible revenus (PFR).

Ainsi, à mesure que les initiatives chinoises s’érigent en consensus internationaux, elles génèrent une série de biens publics au profit du monde entier. « La Chine est désormais un pilier important du multilatéralisme, dont l’objectif consiste justement à forger une communauté de destin pour l’humanité », a déclaré António Guterres, secrétaire général aux Nations Unies. Voit-il dans ces initiatives chinoises une nouvelle ONU prête à défendre l'espèce humaine et la vie sur terre ?

Sources:

https://investigaction.net/trois-questions-a-alain-adriaens-sur-la-cop-28/

https://www.aa.com.tr/fr/monde/la-russie-et-la-chine-exigent-un-cessez-le-feu-imm%C3%A9diat-en-vue-dune-solution-permanente-en-palestine-/3050514

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/15/la-chine-accentue-son-soutien-a-la-palestine-et-critique-israel_6194648_3210.html

http://www.defenddemocracy.press/israel-palestine-war-is-chinas-neutrality-helpful-or-harmful/

http://www.chinatoday.com.cn/french/spc/2017-09/28/content_747582.htm

"Chine/USA, la guerre imminente?", sous la direction de Maxime Vivas, Jean-Pierre Page et Aymerci Monville, préface de John Pliger, éditions Delga, 2023.