La croissance des énergies vertes marque le pas

par Véronique Le Billon, le 9 mai 2019

Après deux décennies de croissance, 177 gigawatts de nouvelles capacités solaires, éoliennes et hydroélectriques ont été installés dans le monde en 2018 - un niveau équivalent à celui de l'année précédente. Une stabilisation du rythme de croissance liée en partie à la Chine. L'AIE s'alarme d'un développement insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques.

 

 

Simple pause ou retournement de situation ? « Après près de deux décennies de forte croissance annuelle, les énergies renouvelables ont ajouté autant de capacités nettes en 2018 qu'en 2017, un tassement inattendu des tendances de croissance qui soulève des inquiétudes sur la capacité à atteindre les objectifs climatiques de long terme », s'alarme l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans un rapport publié cette semaine.

Quelque 177 gigawatts de panneaux solaires, d'éoliennes ou de turbines sur des barrages ont été installés dans le monde l'an dernier (toutes sources d'énergie confondues, la France compte 133 GW de puissance installée), soit seulement 60 % de ce qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l'Accord de Paris, s'inquiète l'institution. Selon l'agence internationale de l'énergie renouvelable (Irena), qui recense de son côté 171 GW de nouvelles capacités vertes installées dans le monde l'an dernier, cela représente néanmoins une hausse de 7,9 % en un an.

 

Frein sans préavis de la Chine

Comme souvent en matière d'énergie, une partie de la réponse se trouve en Chine. Si le pays oriente déjà les tendances mondiales en matière de charbon et, à plus faible échelle, de nucléaire, il donne aussi désormais le « la » en matière d'énergies vertes, avec près de 45 % de la puissance installée mondiale l'an dernier. Or la Chine a ralenti le rythme de ses installations l'an dernier, avec 75 GW de capacités supplémentaires, contre 80 GW l'année précédente selon l'Irena (77 contre 82 selon l'AIE), qui avait vu les installations bondir de 18 GW en un an, soit une hausse de près de 30 %.

Un emballement que la Chine, qui concentre désormais 30 % des capacités renouvelables installées dans le monde, a voulu freiner : Pékin avait annoncé en juin dernier, sans préavis, ne plus accorder d'autorisation de mise en service d'installation solaire jusqu'à la fin de l'année et baisser ses tarifs d'achat pour les nouvelles installations. Avec 44 GW installés en solaire l'an dernier (-10 GW), la Chine a tout de même mis en service en un an l'équivalent du parc solaire en Allemagne, qui représente lui-même un tiers du parc européen…

 

Problèmes d'acceptabilité

Avec la puissance de feu de la Chine, les variations des autres pays peinent à faire le poids, même parmi d'autres économies émergentes comme l'Inde : ses capacités renouvelables ne représentent que 17 % de celles de son grand voisin (soit 5 % des capacités mondiales). Les Etats-Unis, qui constituent le deuxième marché mondial en termes de capacités renouvelables installées (avec environ 10 % de parts de marché), ont vu aussi l'an dernier le rythme de croissance (+6 % sur un an) des renouvelables plafonner. Quant à l'Afrique, elle ne compte que pour 2% des capacités installées mondiales.

Parmi les énergies vertes, le tassement du rythme de croissance est aussi lié au très net ralentissement de l'activité dans l'hydroélectricité. Alors que les barrages hydrauliques, souvent historiques, représentent encore la moitié des capacités mondiales renouvelables, le secteur peine à trouver de nouveaux sites en Europe ou à financer de nouveaux méga projets comme en Afrique. En deux ans, la croissance annuelle des nouvelles capacités a ainsi, selon l'Irena, chuté de 15 GW, à seulement 21 GW l'an dernier, dont un tiers en Chine.

 

Production inférieure

Au-delà des politiques de financement, qui influent sur les rythmes de développement, d'autres facteurs pèsent aussi, comme l'acceptabilité locale, notamment en Europe autour de l'éolien terrestre. En raison de l'intermittence de l'éolien et du solaire, la part des moyens de production renouvelables croît en outre plus vite que leur production d'électricité. Ainsi, les renouvelables représentent maintenant près des deux-tiers (63 %) de la croissance des nouvelles installations et un tiers des capacités totales.

Mais avec des durées de fonctionnement inférieures aux centrales électriques à gaz, au charbon ou nucléaire, la part des énergies vertes dans le mix électrique reste inférieure - autour de 25 %. D'autant que le solaire, qui se développe deux fois plus vite que l'éolien, produit moins que ce dernier. De quoi nourrir les inquiétudes de l'AIE.

 

 

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