Selon deux enquêtes nord-américaines, les Chinois sont plutôt satisfaits de leurs dirigeants

par Frédéric Lemaître pour Le Monde, le 18 juillet 2020

Les sondés apprécient la lutte contre la corruption et les mesures prises en faveur de l’environnement.

 

Les enquêtes d’opinion réalisées en Chine sont à interpréter avec d’infinies précautions, étant donné la nature du régime et la taille du pays. Pourtant, deux études récemment publiées par des centres de recherche nord-américains méritent attention. Bien que menées dans des conditions très différentes, elles semblent indiquer une réelle satisfaction de la population à l’égard de ses gouvernants.

La première enquête, qui portait sur la gestion du Covid-19, a été supervisée par Cary Wu, professeur assistant au département de sociologie de l’université de York (Canada). Elle a été menée fin avril par 613 étudiants chinois de 53 universités différentes qui ont distribué, en ligne, le questionnaire. 19 816 personnes, réparties dans tout le pays, ont répondu.

Les questions portent sur deux sujets : les informations reçues des autorités sur la pandémie et la distribution de produits de première nécessité et de matériel de protection. Appelés à donner une note globale, comprise entre 10 − insatisfaction sur les deux questions, tous niveaux de responsabilité politique confondus – et 50 – satisfaction générale −, les Chinois donnent une note de 39,2. Avec 38,8, les habitants de la province du Hubei, épicentre de l’épidémie, sont à peine plus critiques.

 

Opinion corrélée aux conditions de vie

Si l’on regarde dans le détail, 75 % des sondés se disent satisfaits de l’information reçue et 67 % de la distribution des produits de première nécessité et des matériels de protection. Là aussi, les habitants du Hubei sont dans la moyenne. Enfin, comme souvent dans les enquêtes en Chine, les sondés apprécient davantage l’action des dirigeants nationaux que locaux. Concernant le premier point, la satisfaction va de 67 % pour l’information délivrée localement à 89 % pour l’information nationale. Sur la question matérielle, la satisfaction va de 58 % à 81 %. Seule ombre au tableau pour le gouvernement : les plus jeunes et les plus éduqués sont les moins satisfaits. D’après l’auteur, ce sont aussi les plus critiques vis-à-vis du pouvoir.

Publiée en juillet, la seconde étude a été réalisée par trois universitaires (Edward Cunningham, Tony Saich et Jessie Turiel) du Ash Center for Democratic Governance and Innovation de l’université Harvard (Massachussetts). L’enquête, basée sur des entretiens individuels, a été menée à huit reprises, entre 2003 et 2016, auprès de 31 000 Chinois. Elle n’a, selon ses auteurs, pas d’équivalent. Deux éléments essentiels s’en dégagent : les Chinois, en ville ou à la campagne, sont de plus en plus satisfaits de leurs responsables tant nationaux que locaux, et leur opinion est directement corrélée à leurs conditions de vie matérielle.

Sur une échelle de 1 – très mécontent − à 4 − très satisfait −, les sondés étaient, en 2003, 8,9 % à se dire insatisfaits de leurs dirigeants centraux (note 1 ou 2) alors que 86,1 % étaient satisfaits (note 3 ou 4). En 2016, les premiers n’étaient désormais plus que 4,3 % et les seconds bondissaient à 93,1 %. Concernant les dirigeants locaux, le pourcentage d’insatisfaits diminue, passant de 51,6 % en 2003 à 25,6 % en 2016. A contrario, les satisfaits progressent de 43,6 % à 70 %.

 

L’importance de la question environnementale

En 2003, environ un Chinois sur deux estimait que les responsables locaux ne « faisaient que parler » et « s’intéressaient seulement à leurs propres intérêts ». Ils ne sont plus qu’un sur trois environ à le penser treize ans plus tard. Manifestement, la campagne anticorruption menée par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir fin 2012 a marqué les esprits : en 2011, 55,2 % des Chinois jugeaient les responsables locaux « très malhonnêtes » ou « pas très honnêtes ». Jamais, depuis 2003, ce pourcentage n’avait été aussi élevé. Cinq ans plus tard, ce chiffre est tombé à 29,3 %. A contrario, en 2011, seuls 35,4 % des Chinois jugeaient leurs dirigeants locaux « à peu près, ou tout à fait honnêtes ». Cinq ans après, ils sont 65,3 % dans ce cas. Dans le même laps de temps, le pourcentage de Chinois qui approuvent les mesures contre la corruption passe de 35 % à 71 %.

La thématique de l’environnement a rejoint les questions en 2016. 34 % des Chinois ont jugé alors que la pollution de l’air était le principal problème environnemental, devant la sécurité alimentaire (19 %), et le changement climatique (16 %). Mais 75 % des sondés estimaient toutefois que le changement climatique était un phénomène réel et provoqué par l’homme. Quelque 49 % pensaient que la qualité de l’air avait régressé durant les cinq années précédentes. Néanmoins, 43 % voient une amélioration dans les années suivantes.

Pour les auteurs de l’étude, « le gouvernement chinois était plus populaire en 2016 qu’il ne l’a jamais été durant les deux décennies précédentes ». La première enquête, elle, tend à confirmer que Xi Jinping, malgré les défis que posent le ralentissement économique et la pollution, est sans doute sorti renforcé de la crise du Covid-19.

 

 

URL de l'article:  https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/18/selon-deux-enquetes-nord-americaines-les-chinois-sont-satisfaits-de-leurs-dirigeants_6046594_3210.html