Protection de l'environnement, WeChat et démocratie participative

par Élisabeth Martens, le 15 septembre 2020

WeChat, le réseau social utilisé par tous les Chinois, prête volontiers ses services quand il s'agit de dénoncer les retards écologiques et les dérives environnementales de la Chine. Depuis sa création à ShenZhen en 2011, il n'y a jamais eu autant de critiques à propos de la pollution de l'air à Pékin, ou de celle des rivières à Shanghai, ou de critiques à propos de la multiplication de barrages, ou du déplacement des cours d'eau, etc.

 

WeChat est le réseau social qui couvre toute la Chine. Son nombre d'utilisateurs dépasse déjà le milliard depuis 2018. Contrairement à FaceBook, Instagram, Twitter ou d'autres réseaux sociaux plus connus chez nous, WeChat est outillé de toutes les fonctionnalités à la fois : publication d'infos, de documents, de dossiers, de photos, de vidéos, etc., à partager de manière instantanée, si bien que WeChat est plus puissant que n'importe lequel de nos réseaux sociaux.

Plus qu'un simple réseau d'échange, WeChat est une sorte de « rattrapage de la révolution culturelle ». Depuis que WeChat a envahi le quotidien de la Chine, du milliardaire pékinois à la mamy tibétaine, chacun se permet de prendre la parole sur les sujets les plus variés, sans complexe et sans langue de bois. WeChat représente une véritable libération des mœurs, un déliement des langues, une émancipation de la société tous âges, ethnies et niveaux sociaux confondus. En quelques sortes, WeChat a remplacé les « dazibao » de la révolution culturelle.

 

Le dazibao 大字报, (litt. "journal à grands caractères") est une affiche rédigée par un citoyen, traitant d'un sujet politique ou moral, et placardée pour être lue par le public. C'est une affiche illégale et spontanée qui véhicule l'information non-officielle, apparue en 1966 avec la Révolution culturelle. L'expression de l'opinion publique par l'affichage est une tradition remontant à la Chine impériale. Les citoyens chinois insatisfaits réalisaient des affiches pour critiquer l'administration du magistrat impérial. Celles-ci étaient affichées dans toute la ville et jusque devant le siège du magistrat. Le peuple se rassemblait autour de ces déclarations pour les commenter.

 

XuBo, un ancien diplomate chinois, qui vit à Paris depuis 2010, écrit ceci dans son livre : « Jamais auparavant, je n'ai entendu autant de critiques sur la pollution pékinoise, autrefois considérée comme un sujet tabou. Et ce déluge de moqueries, de récriminations, de plaintes constitue une pression très forte pour le gouvernement chinois, dont les promesses et les actes sont regardés et contrôlés à la loupe par ses propres citoyens. »1 Nous qui voyons souvent la Chine comme un pays muselé par un régime autoritaire, voire dictatorial, nous imaginons difficilement que le gouvernement chinois est régulièrement contraint de faire marche arrière en raison d'une pression sociale exercée via WeChat.

Dans son « regard sur la nouvelle Chine », XuBo donne plusieurs exemples de ce conditionnement du PCC par l’opinion publique, entre autres, celui de la lutte contre la pollution de l'air à Pékin: « Pour y protéger la qualité de l'air, l’État a adopté un système qui consiste à changer tout chauffage au charbon dans les villes limitrophes de Beijing et Tianjin par du gaz ou de l'électricité, projet dit aussi le "Projet de 2 villes + 26 villes". Ce système a eu pour effet immédiat de réduire la pollution atmosphérique de manière efficace, mais les internautes ne peuvent pas tolérer les manières fortes de certains agents de comités de village, qui ont procédé à l'arrêt du chauffage au charbon avant que le chauffage au gaz ou à l'électricité ait été installé, ce qui fait que certains écoliers n'ont pas de quoi se chauffer et souffrent du grand froids en hiver. Ce genre d'incidents se sont produits dans pas mal de villages, et par conséquent les dénonciations des internautes ici ou là sont assez courantes. »2

Pour l'ancien diplomate, WeChat n'est rien de moins qu'une « démocratie populaire virtuelle qui rend la société chinoise plus transparente... » La lutte pour améliorer la qualité de vie des citoyens grâce à une meilleure gestion de l’environnement tient une place de plus en plus importante dans les fonctionnalités de WeChat, entre autres grâce à l'application Blue Map installée par l'IPE (Institut des affaires publiques et environnementales).

Mobile app provides access to real-time environmental information and facilitates supervision of enterprises

 

L'IPE est organisation de recherche environnementale à but non lucratif qui recueille des informations dans une base de données et les met au service d'achats écologiques, des finances vertes, de l'élaboration des politiques environnementales, ceci via deux plate-formes, l'application Blue Map et le site Web Blue Map.

 

 

Displays all environmental data and information about IPE's projects, and serves as an important tool for green procurement and green finance

 

Depuis l'engouement des Chinois à utiliser WeChat, l'IPE encourage le public à participer à la reconstitution de son environnement. Au cours des dix dernières années, l'IPE a appelé le public à la supervision environnementale et à la protection de l'environnement, en vue de favoriser la coopération entre le gouvernement, les entreprises, les ONG, les organismes de recherche et d'autres parties prenantes dans les énergies vertes et renouvelables.

Grâce à WeChat, les dérives écologiques peuvent être immédiatement signalées et le public peut faire pression sur Pékin afin que les autorités réagissent dans des délais favorables.

-Cela ne se nomme-t-il pas une « démocratie participative » ?

-Que neni ! dans un régime communiste ??? vous voulez rire ou quoi ? 

 

Sources :

1 XuBo, « De Shanghai à Paris, Mon regard sur la nouvelle Chine », éd. Odile Jacob, 2018, p.90

2 XuBo, « De Shanghai à Paris, Mon regard sur la nouvelle Chine », éd. Odile Jacob, 2018, p.92