La Chine gagne-t-elle à tous les coups ?

par Élisabeth Martens, le 5 avril 2024

Sur un site chinois de Baidu (l'internet chinois), une journaliste écrit avec une allégresse à peine dissimulée que la déclaration suivante de la Chine à l'ONU a abasourdi Mr Biden et les médias étrangers : « la Chine a complètement gagné cette fois ! »1 On le sait, la Chine est devenue un géant économique, une partie vitale et intégrante de la chaîne d'approvisionnement mondiale et le partenaire commercial le plus important pour les pays du monde entier. Cette avancée fulgurante au niveau économique s'observe également dans de nombreux autres domaines. La Chine gagnerait-elle à tous les coups ?

 

 

 

Protection de l'environnement

L'écologie est un domaine où la Chine a fait un « bond en avant », même si chez nous, cela reste relativement méconnu. De nombreux projets de protection de l’environnement sont en cours de réalisation.

Un projet de reboisement à grande échelle a déjà démarré dans les années 1970 et a amené la Chine à être le plus grand « replanteur de forêts » au monde. Constatant les méfaits des monocultures, le reboisement se fait actuellement selon une proportion appropriée de différentes espèces d'arbres conformément aux chaînes biologiques et écologiques de l'environnement local. Cela n'empêche pas le gouvernement de réquisitionner de nouveaux espaces arrables afin de développer la production de blé, de maïs et de riz au détriment du couvert forestier, d'espaces verts et de productions fruitières.2

Dès les années 1980, la Chine a créé des parcs nationaux et des réserves naturelles dont certaines, comme celle du plateau Qinghai-Tibet, couvrent 60 millions d'hectares. Aujourd'hui, plus de la moitié de la région autonome du Tibet est protégée selon les normes les plus strictes. Les réserves naturelles couvrent 38,75% de la superficie de la région autonome du Tibet et une « ligne rouge » en matière de protection écologique a été tracée.3

Les « lignes rouges » sont un dispositif mis en place en 2017 pour lutter contre la dégradation de l'environnement : chaque province ou région autonome doit délimiter sa « ligne rouge » écologique autour des zones dont la fonction écologique est essentielle en matière de conservation de la biodiversité, des sols, de l’écosystème et des ressources forestières, maritimes ou en eau. Depuis la mise en place de cette stratégie, 18% du territoire national est protégé des activités humaines et devenus des réserves naturelles étroitement surveillées.4

 

Antilopes du Tibet dans la réserve de Changtang (septembre 2019)
Antilopes du Tibet dans la réserve de Changtang (septembre 2019)

 

Dès les années 1990, une législation sévère a été mise en place pour lutter contre le commerce illégal d'espèces sauvages ; elle a été intensifiée au début des années 20005. En 1988, la Chine a publié une « liste des animaux sauvages sous protection spéciale de l'État ». Elle était resté inchangée jusqu'à la mise à jour de 2020 où la liste révisée a ajouté 347 espèces aux 257 de la liste initiale. Le fait qu'une espèce soit ou non inscrite sur la liste, et dans quelle classe (de 1 à 3), peut déterminer son sort.6

La restauration des zones humides, des lacs et des rivières préoccupe le ministère de l'écologie et de l'environnement (créé en 2008) : les milieux humides participent à la prévention de risques de crues, d'inondations, de sécheresses, d'érosion du littoral, etc. Le ministère de l'écologie est soutenu dans cette tâche gigantesque par la diffusion dans chaque province, département et district, d'une application mobile destinée à suivre les données de pollution des eaux et de l'air en temps réel. L'application créée en 2006 a été appelée Blue Map. Mise en ligne en 2016, elle est très utilisée par les internautes chinois pour dénoncer des pollutions locales ou pour déclarer de visu des problèmes environnementaux.7 Depuis, une législation contraignant les industries les plus polluantes a été édictée.

En novembre 2020, le projet de révision de la loi sur la protection des espèces sauvages a été ouvert aux suggestions du public via les ONG de protection de l'environnement et, pour les citoyens chinois, via l'application Blue Map. La participation du public est devenue un élément important du système de gouvernance en matière de droit environnemental, elle favorise l'amélioration continue des lois encadrant l'écologie et la protection environnementale et encourage la participation judiciaire à la gouvernance environnementale.8 C'est entre autres grâce à cette démocratisation de l'écologie que la Chine, en tant que présidente de la COP15 sur la biodiversité qui s'est tenue en 2022, a soumis un projet de texte comportant 23 objectifs à atteindre d'ici 2030 en vue d'arrêter la perte de la diversité des espèces et d'inverser la tendance.9

 

Lutte contre le réchauffement climatique

La Chine est le plus grand pollueur de la planète en valeur absolue, mais elle l'est deux fois moins que les USA par habitant. Depuis ses premiers engagements internationaux, la Chine mène une bataille acharnée pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Celles-ci proviennent essentiellement de ses centrales électriques alimentées au charbon. Le charbon pourvoit à encore 60% de l'énergie du pays, c'est pourquoi, en 2021, Xi Jinping a promis que « au cours de la période du 14ème plan quinquennal (2021-2025), nous contrôlerons strictement la croissance de la consommation de charbon et nous la réduirons progressivement au cours de la période du 15ème plan quinquennal »10. Les moyens mis en œuvre pour remplacer le charbon sont colossaux. Ils touchent principalement à l'éolien, au solaire, à l'hydraulique, à l'hydrogène vert et au nucléaire dit « propre ».

En une décennie, la Chine est ainsi devenue chef de file dans la lutte contre le changement climatique. Lors de la dernière conférence des Nations unies sur le changement climatique11, la Chine a présenté des objectifs et des plans d'action concrets en matière de réduction des émissions. Elle a été largement soutenue par la communauté internationale lorsqu'elle a réitéré son engagement à plafonner ses émissions de carbone d'ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2060. Pour atteindre cet objectif, elle s'est hissée en tête de peloton dans la production de nouvelles technologies vertes, comme les palles d'éoliennes et les constituants de panneaux solaires, les piles de véhicules électriques, la production d'hydrogène vert, l'exploitation de la géothermie, etc.

Les installations photovoltaïques de l’entreprise State Grid Zhejiang Taizhou Electric Power dans la centrale marémotrice expérimentale de Jiangxia (octobre 2022 )
Les installations photovoltaïques de l’entreprise State Grid Zhejiang Taizhou Electric Power dans la centrale marémotrice expérimentale de Jiangxia (octobre 2022 )

Selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) de janvier 2024, la Chine mène la charge mondiale en matière d'énergies renouvelables. Sa croissance extraordinaire de l'année 2023 contribue à maintenir à portée de main l'objectif de la COP28 de tripler les énergies vertes d'ici à 2030.12 Le Tibet est exemplaire dans la production d'énergies vertes : en janvier 2024, sa capacité installée de production d'énergie propre représentait plus de 90 % de la capacité installée totale, y compris l'hydroélectricité, la production d'énergie photovoltaïque et l'énergie éolienne.13

« Il y a eu une forte poussée en faveur des énergies renouvelables en Asie, en particulier en Chine », a confirmé Mme Damilola Ogunbiyi, PDG et représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU, suite au troisième Forum de la Ceinture et de la Route pour la coopération internationale14. « La Chine produit plus de 50 % de tous les panneaux solaires et équipements éoliens au niveau mondial. En outre, la plupart des batteries au lithium inversées proviennent de la Chine et sont ensuite acheminées vers diverses régions du monde », poursuit-elle. Selon Mme Ogunbiyi, l'approche de la Chine en matière d'énergie durable pourrait servir de modèle aux pays en développement.15

La parcimonie dans la mise en place de fonds internationaux destinés à financer l’adaptation et les réparations des effets déjà incalculables du réchauffement climatique dans les pays en développement, les interminables discussions autour de la reconnaissance du principe « pollueur-payeur » et la lenteur des négociations internationales pour réduire les dettes des PFR (pays à faibles revenues) ont incité la Chine à multiplier des alliances en dehors des pays industrialisés.

 

Le président chinois Xi Jinping avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi, le président togolais Faure Gnassingbe et d'autres dirigeants africains après une séance de photo de groupe lors du Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin, le 3 septembre 2018 (How Hwee Young/AFP)
Le président chinois Xi Jinping avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi, le président togolais Faure Gnassingbe et d'autres dirigeants africains après une séance de photo de groupe lors du Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin, le 3 septembre 2018 (How Hwee Young/AFP)

 

BRICS+, BRI, UEE, RCEP : des alliances multipolaires

Depuis le début du 21ème siècle, la Chine a signé des accords avec un nombre croissant de pays en développement et de pays émergents. Elles ont comme dénominateurs communs : des relations économiques gagnant-gagnant, le retour au principe de non-alignement et de non-ingérence dans un pays tiers, une autonomie réelle concernant la politique intérieure, et la volonté de « dédollariser » les échanges internationaux.

La première alliance fut celle des BRIC en 2009 (Brésil, Russie, Inde, Chine) à laquelle s'est ajoutée l'Afrique du Sud en 2011, les BRIC devenant les BRICS. En ce mois de janvier 2024, le groupe s'est élargi à dix États membres : Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa, Iran, Egypte, Ethiopie, Emirats arabes unis, Arabie saoudite. Il s’appelle désormais « BRICS+ » et compte pour 28,8% du PIB mondial16. Au sein de ce groupe hétérogène, les États membres ont en commun leur pragmatisme et la volonté de défendre leurs intérêts. Bien que, dès le début, la Chine ait été dominante du point de vue de son PIB et de sa population, elle fut la première à défendre les principes d'un développement égalitaire et pacifique tout en maintenant ses principes du bénéfice mutuel, le « win-win ».

Dans le cadre d'un monde multipolaire tel que prôné par la Chine et dont les BRIC se sont revendiqués dès le départ, le groupe a fréquemment pris la défense des pays du Sud. Aujourd'hui, le « Sud global »17 soutenu par les BRICS+ plaide pour l'entrée de l’Union Africaine au G20. La montée en puissance du G20 (dont les cinq BRICS historiques sont tous membres) face au G7 qui domine les relations géo-économiques est révélatrice d'un rééquilibrage progressif. Cette dynamique s'inscrit dans la reconfiguration des inégalités de richesse et de développement à l’échelle mondiale. Leur contestation de « l’Ordre mondial » (c-à-d « occidental ») hérité de la fin de la Guerre froide est également financière : les pays des BRICS+ s'opposent à l’hégémonie du dollar et ont créé leur propre institution financière baptisée « la Nouvelle Banque de Développement », concurrente de la Banque Mondiale et du FMI.18

Outre les BRICS+, l'initiative « Belt and Road » (BRI) initiée en 2013 par Xi Jinping est devenue le symbole d'une possible coopération économique au niveau mondial. Une majorité des pays en développement qui se sont joints à la BRI ont choisi le modèle économique proposé par Deng Xiaoping en 1978 : les entreprises nationales ouvrent leur portefeuille aux capitaux étrangers tout en gardant intègre leur pouvoir décisionnel. Récemment, l'Union économique eurasienne (UEE), créée en 2014 et réunissant la Russie, le Kazakhstan, l'Arménie, la Biélorussie et le Kirghizistan, s'est associée à la BRI. En 2020, la Chine fut encore à l'initiative du « Partenariat régional économique global » (RCEP) qui actuellement réunit 143 pays ; tous ont signé des accords bilatéraux avec la Chine. La BRI et le RCEP rassemblent plus de deux tiers des pays du monde autour de la Chine.19

Dans le contexte actuel de post-colonialisme et de « protectionnisme à l'occidentale », les initiatives de la Chine en vue de favoriser un système économique multilatéral où chaque partenaire sort gagnant jouent un rôle crucial dans une reprise économique mondiale. Cependant, ce modèle ne peut pas plaire aux leaders du moteur néolibéral.

 

 

Une place au niveau international

À mesure que les initiatives chinoises s’érigent en consensus internationaux, elles génèrent une série de biens publics au profit du monde entier. Le succès de la Chine dans une série de conférences internationales confirme non seulement l'efficacité de sa politique étrangère, mais constitue également une manifestation concrète de son influence croissante dans les affaires internationales. Sa contribution à la paix et au développement du monde est de plus en plus remarquée et reconnue par la communauté internationale. « La Chine est désormais un pilier important du multilatéralisme, dont l’objectif consiste à forger une communauté de destin pour l’humanité », a déclaré António Guterres, secrétaire général aux Nations Unies. Voit-il dans les initiatives chinoises une possibilité de réactualiser les décrets de l'ONU et lui redonner le dynamisme nécessaire à défendre l'espèce humaine et la vie sur terre ?

Dans le contexte des turbulences belligérantes actuelles, l'ONU n'est pas indifférente à la voix de la Chine, par exemple, quand celle-ci soutient une pleine adhésion d’un État palestinien à l’ONU. En prenant la parole à la tribune à propos du génocide des Palestiniens, Mr Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, a déclaré fermement : « Ne pas pouvoir mettre fin à cette catastrophe humanitaire alors que nous sommes au 21ème siècle est une tragédie pour l’humanité et une honte pour la civilisation. Rien ne saurait justifier la prolongation du conflit ou les tueries des civils. La communauté internationale doit agir en urgence et faire d’un cessez-le-feu immédiat sa priorité, elle doit assumer sa responsabilité et assurer l’assistance humanitaire sans le moindre délai. La population de Gaza a le droit de vivre dans ce monde, les femmes et les enfants gazaouis doivent pouvoir retrouver leurs familles. Tous les détenus doivent être libérés et toute attaque contre les civils doit être arrêtée. »20

Historiquement, la Chine n'a pas une position belligérante, invasive ou intrusive. Depuis la fondation de la République populaire de Chine, en 70 ans, elle n'a jamais envahi ni colonisé aucun pays étranger. Pourtant, Pékin a récemment affirmé que le pays commence à se sentir « étranglé » par les États-Unis et leurs alliés dans le Pacifique occidental : un nœud coulant de 400 bases militaires états-uniennes l'encercle, alors qu'elle n'a installé aucune base militaire à l'étranger. En guise de réponse, le président Xi Jinping a annoncé que la Chine, pays doté de la plus grande armée et de la plus grande marine du monde, mais aussi le plus peuplé de la planète, accélérerait ses dépenses pour la défense nationale. Il a ajouté que la Chine n'envisage nullement une guerre mais que le gouvernement se voit dans l'obligation de désigner la sécurité nationale comme une préoccupation majeure pour les années à venir.21

Pour confirmation, le 7 mars 2024, lors d'une conférence de presse, Mr. Wang Yi, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois et Ministre des Affaires étrangères, a déclaré aux journalistes chinois et étrangers : « Force est de constater que la perception erronée des États-Unis à l’égard de la Chine persiste et que leurs engagements n’ont pas été véritablement tenus. Ils ont continué de prendre de nouvelles mesures contre la Chine, d’allonger la liste des sanctions unilatérales et de nous faire des procès d’intention absurdes. Si les États-Unis continuent d’agir contre leurs engagements, peut-on encore parler de leur crédibilité ? S’ils s’angoissent chaque fois que le nom de la Chine est prononcé, peut-on encore parler de la confiance en soi d’un si grand pays ? .../... Le défi auquel sont confrontés les États-Unis est bien américain, et non chinois. »22

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, également membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, assiste à une conférence de presse sur la politique et les relations étrangères de la Chine, en marge de la deuxième session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN), à Beijing, capitale chinoise, le 7 mars 2024. (Photo : Liu Xu)
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, également membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, assiste à une conférence de presse sur la politique et les relations étrangères de la Chine, en marge de la deuxième session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN), à Beijing, capitale chinoise, le 7 mars 2024. (Photo : Liu Xu)

 

500 millions de dollars pour intensifier le China bashing

Il faut l'avouer, l'Occident s'est trompé à propos de la Chine. Pendant des années, nos ministres des affaires étrangères sont partis du principe naïf que la libéralisation économique de la Chine conduirait inévitablement à plus de « liberté politique et civique ». On pensait qu'à mesure que les multinationales occidentales créeraient des joint-ventures et que des centaines de millions de citoyens chinois commenceraient à jouir d'un niveau de vie plus élevé, le parti communiste chinois (PCC) relâcherait son emprise. On espérait que la Chine deviendrait un membre à part entière de ce que l'on appelle « l'Ordre mondial », c-à-d depuis le début de ce siècle, « l'ordre néolibéral ».

Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Au lieu de combiner son expansion économique avec une évolution vers la « libéralisation » ou la « démocratisation » que nous espérions, la Chine a focalisé sa politique intérieure vers la lutte contre la corruption, la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités, la lutte contre les désastres climatiques. Pékin s'est engagé dans une voie qui n'a pas plu aux Occidentaux, une voie qui a alarmé nos gouvernements, celui des États-Unis et de ses alliés, l'UE en tête.23

Il n'en fallut pas plus pour que les États-Unis légalisent leur propagande anti-chinoise : « 500 millions de dollars : c’est la somme que le Congrès américain a prévu d’allouer à la diffusion de nouvelles négatives sur la Chine. D’abord rapporté par American Prospect le 9 février 2022, le projet a été inséré dans la loi America COMPETES, centrée sur la Chine, qui vient d’être adoptée par la Chambre des représentants des États-Unis au début de ce mois. La majeure partie de ce fonds d’un demi-milliard de dollars ira à l’Agence américaine pour les médias mondiaux (USAGM), un service médiatique d’État qui supervise Voice of America (VOA), Radio Free Europe (RFE) et Radio Free Asia (RFA), qui ont l’habitude de "brouiller la frontière entre une couverture objective de l’actualité et une propagande pro-américaine" », écrit un article du Helsinki Times daté de février 2022.24

Depuis, la « situation désastreuse des droits de l'homme en Chine » a été ressortie des tiroirs. Nancy Pellosi a été envoyée à Taiwan pour semer le trouble entre la Chine continentale et insulaire, les chaires universitaires de l'ULB, celles de l'INALCO et de bien d'autres hautes écoles et universités du « monde libre » se sont soulevées avec tapage, l'OTAN renforce ses coutures aux frontières russes, les tam-tams des « génocides des Ouïghours et des Tibétains » ont fait leur retour et se sont même entendus jusqu'au Ningxia.25

En réaction à l’Examen périodique universel de l'ONU réalisé le 23 janvier 2024 sur le bilan des droits humains de la Chine (EPU), Sarah Brooks, directrice régionale d’Amnesty International pour la Chine, a déclaré : « nous avons vu la Chine s’efforcer d’éclairer la communauté internationale, niant la portée et l’ampleur des atteintes aux droits humains énoncées dans les rapports de l’ONU, tout en présentant son approche anti-droits humains comme un modèle pour d’autres pays.../... Les autorités ont purement et simplement refusé de reconnaître des faits fondamentaux, présentant la répression des Ouïghours comme un moyen efficace de lutter contre le terrorisme et la suppression de l’espace civique à Hong Kong comme un gage de stabilité dans la ville. »26

Pour ceux qui connaissent un tant soi peu la Chine, le « China bashing » a atteint un tel sommet de contre-vérités et cumule tant d'absurdités qu'on se demande s'il faut encore répondre. Hélas, oui, car débusquer les intox, les déballer en grand air pour qu'elles suffoquent comme des poissons sur le rivage est une des seules choses que nous puissions encore faire.

 

Retour à une gouvernance commune mondiale

Heureusement, il reste des universitaires honnêtes, des intellectuels qui ne se contentent pas des « on-dit », des chercheurs de vérités factuelles, des contestataires de l'ordre établi, des vérificateurs du « bien-pensant », des débusqueurs du « politiquement correct » etc. Par exemple, le professeur Ettinger qui a donné une conférence à Liège samedi dernier, le 30 mars 2024, intitulée « Ouïghours : campagne de propagande en cours».27 Il a résumé ses recherches concernant les « intox » sur la répression chinoise au Xinjiang, recherches qui constituent un chapitre de son excellent dernier ouvrage : « La Chine : un ennemi fabriqué par la propagande » dans lequel chaque chapitre démonte les narratives courantes sur les sujets les plus controversés, comme le Xinjiang, le Tibet, Hong Kong, Taïwan, et met en question les idées reçues sur la Chine, de sa politique interne à son rôle sur la scène internationale.28 Les organisateurs de la conférence avaient invité des contradicteurs d'Amnesty International. Ceux-ci se sont dérobés : avec une étude aussi fouillée que celle de Mr. Ettinger, il aurait été difficile de maintenir le point de vue habituellement admis, il ne tient tout simplement pas la route.

 

 

 

Hormis déballer systématiquement les intox qui nous assaillent de toutes part, nous pouvons encore rassembler les forces des mouvements locaux de plus en plus nombreux et de plus en plus motivés à dénoncer les horreurs semées par notre système capitaliste et néolibéral. Dommage que quand on leur parle de la Chine, la plupart d'entre elles n'ont en tête que ce que ce système qu'elles dénoncent leur a mis dans la tête : « la Chine est une dictature despotique, un régime totalitaire, un pays sans liberté d'expression où le citoyen est constamment sous surveillance, où les religions sont interdites, etc. »

On peut pourtant avancer nombre de contre-exemples qui font de la Chine un pays bien moins autoritaire qu'on le pense... voire démocratique à certains égards : nos portables sont-ils munis d'applications qui permettent au quidam de prévenir immédiatement les autorités compétentes lorsqu'il constate l'empoisonnement d'une rivière, la pollution d'une terre agricole, le débordement d'une décharge, la contamination d'une nappe phréatique ?29 Nous demande-t-on notre avis quand il s'agit de construire une nouvelle autoroute, une voie ferrée qui passe au fond de notre jardin ou une ligne de tram en pleine ville ? En Chine, chaque citoyen peut donner son avis sur ce genre de projet et les réseaux sociaux sont suffisamment efficaces pour que, si le gouvernement n'en tient pas compte, celui-ci risque sa peau.

« Pour bâtir un monde multipolaire ordonné, il faut respecter ensemble les buts et les principes de la Charte des Nations Unies, il faut défendre ensemble les normes fondamentales régissant les relations internationales universellement reconnues. La multipolarisation ne signifie pas la division du monde en blocs, et encore moins la fragmentation ou le désordre. Les pays doivent tous agir ensemble dans le cadre du système international centré sur l’ONU et coopérer dans le processus de la gouvernance mondiale. », plaide Wang Yi.30

Rassembler nos forces contre les magnats du néolibéralisme et leurs acolytes médiatiques va dans le sens d'une gouvernance commune, une gouvernance partagée par tous les pays qui sera dans l'obligation de faire référence à la Cour internationale de Justice, une gouvernance mondiale telle qu'elle fut imaginée au lendemain de la guerre... Oserais-je formuler une « gouvernance communiste » sans risquer de brusquer des oreilles encore trop vertes, qui préféreraient se planquer dans des parterres de permaculture, entre des feuilles de salades et de rhubarbes ? Un communisme nouveau est en voie de construction31 et il est de notre devoir d'y participer car, comme avertissait Einstein : « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».

 

 

 Notes :

1https://m.163.com/dy/article/ITGT6TG605563DEM.html

2http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement/terres-arables-boises/518-reforestation-et-deforestation-en-chine

3http://www.chine-ecologie.org/penser-l-ecologie-en-chine/dans-l-actualite-eco-socialiste/535-des-lois-pour-proteger-l-ecosysteme-du-plateau-qinghai-tibet

4http://www.chine-ecologie.org/penser-l-ecologie-en-chine/dans-l-actualite-eco-socialiste/393-cop15-presidence-chinoise-la-biodiversite-ce-concept-anticapitaliste

5http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement/faune-flore/358-le-pdg-de-wildaid-la-chine-intensifie-la-lutte-contre-le-commerce-illegal-d-especes-sauvages

6http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement/faune-flore/295-la-liste-des-animaux-proteges-en-chine-une-mise-a-jour-attendue-depuis-32-ans

7http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement-2/education-a-l-environnement/576-une-rare-reussite-environnementale-l-application-blue-map-et-ses-3-8-millions-d-utilisateurs-chinois

8http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement/faune-flore/359-promouvoir-une-gouvernance-multidimensionnelle-pour-la-conservation-des-especes-sauvages

9http://www.chine-ecologie.org/defis-climatiques/accords-internationaux/489-le-multilateralisme-chinois-facilite-l-accord-de-la-cop15-sur-la-biodiversite

10http://www.chine-ecologie.org/penser-l-ecologie-en-chine/dans-l-actualite-eco-socialiste/399-une-absence-remarquee-a-la-cop26-celle-de-xi-jinping

11Du 26 février au 1er mars 2024 au siège du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) à Nairobi, au Kenya.

12http://www.chine-ecologie.org/energies-renouvelables/energies-vertes/567-la-croissance-extraordinaire-de-la-chine-permet-d-atteindre-l-objectif-de-la-cop28-de-tripler-les-energies-renouvelables

13http://www.chine-ecologie.org/energies-renouvelables/energies-vertes/565-le-tibet-realise-essentiellement-un-approvisionnement-en-energie-propre

14 du 17 au 18 octobre 2023 à Beijing :https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjdt/zyjh/202310/t20231017_11162532.html

15 https://www.unep.org/environmentassembly/fr/unea6?%2Funea-6=&%2Funea6=

16https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/elargissement-brics-2024

17Sud global : expression d’une distance de plus en plus marquée entre les pays émergents et la superpuissance américaine et ses alliés

18https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/elargissement-brics-2024

19http://www.chine-ecologie.org/penser-l-ecologie-en-chine/dans-le-contexte-international/558-la-paix-devrait-etre-le-premier-combat-de-l-ecologie

20http://be.china-embassy.gov.cn/fra/zxxx/202403/t20240307_11255710.htm

21https://www.bbc.com/afrique/articles/cd1r749635ro

22http://be.china-embassy.gov.cn/fra/zxxx/202403/t20240307_11255710.htm

23https://www.bbc.com/afrique/articles/cd1r749635ro

24https://lesakerfrancophone.fr/une-affaire-a-500-millions-de-dollars-la-propagande-anti-chinoise-parrainee-par-letat-americain

25https://www.geo.fr/geopolitique/chine-detruit-mosquees-en-masse-ouest-pays-selon-human-rights-watch-ningxia-gansu-xinjiang-musulmans-ouighours-217668#:~:text=de%2011.68%20%E2%82%AC-,La%20Chine%20d%C3%A9truit%20en%20masse%20des%20mosqu%C3%A9es%20dans%20l'Ouest,pays%2C%20selon%20Human%20Rights%20Watch&text=Pr%C3%A8s%20d'un%20tiers%20des,part%20de%20ses%20citoyens%20croyants.&text=comme%20cette%20publicit%C3%A9%20

26https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/01/china-attempts-to-gaslight-international-community-at-un-human-rights-review/

27http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/742-conference-a-liege-ouigours-une-campagne-de-propagande-en-cours

28http://tibetdoc.org/index.php/politique/chine-en-general/739-pour-en-finir-avec-les-calomnies-contre-la-chine

29http://www.chine-ecologie.org/protection-de-l-environnement-2/education-a-l-environnement/576-une-rare-reussite-environnementale-l-application-blue-map-et-ses-3-8-millions-d-utilisateurs-chinois

30http://be.china-embassy.gov.cn/fra/zxxx/202403/t20240307_11255710.htm

31https://www.revuepolitique.be/revues/lavenir-du-communisme/